La bouffe en plein air : Voyager léger, manger lourd
Lors des longues expéditions, où les aventuriers transportent la nourriture pour plusieurs semaines, le poids et le volume ont énormément d’importance. Le plus simple est d’éliminer l’eau. On ne s’encombre pas d’une substance qu’on peut trouver partout. L’astuce consiste à retirer l’eau présente dans les aliments, de les transporter ainsi et de leur ajouter de l’eau au moment de manger.
La plus vieille méthode est le séchage. Encore de nos jours, les tomates séchées au soleil sont prisées, et on peut observer des des séchoirs à poissons dans les villages côtiers de la province. Mais c’est une méthode longue, qui dépend de l’humeur de la nature, et qui détruit certaines propriétés nutritives des aliments.
La déshydratation est une méthode plus rapide et moins aléatoire. On soumet les aliments à une chaleur de 65 degrés Celsius durant quelques heures. L’eau s’évapore lentement, les aliments perdent du volume et changent d’apparence; ils s’affaissent, se racornissent et ratatinent. Certaines vitamines peuvent être perdues et, une fois réhydraté, le produit est rarement semblable à l’original sur le plan de l’apparence et de la saveur. Les aliments déshydratés sont quand même fréquents : raisins, abricots et autres fruits séchés, noix de coco râpée, poulet et légumes dans la soupe en sachet, fines herbes, etc.
Pour les astronautes, la NASA a élaboré une méthode plus intéressante : la lyophilisation. On commence par amener rapidement les aliments à -25 degrés Celsius. Cette surgélation bloque l’eau sous forme de glace à l’endroit où elle se trouve. Dans la congélation traditionnelle, l’eau formerait des cristaux qui font éclater les cellules en prenant de l’expansion. Ensuite, on fait le vide et on apporte un peu de chaleur. Se produit alors un phénomène physique particulier, la sublimation de la glace. Il s’agit du passage de l’état solide à l’état gazeux, sans passage par l’état liquide, un phénomène qui ne se réalise qu’à certaines pressions. Pour que l’eau soit sublimée, la pression doit avoisiner les 0,4 mm de mercure (pression normale + 100 mm de mercure). Les aliments deviennent alors microporeux : tous les endroits où se trouvait la glace sont vidés. Après 24 heures, le produit a perdu 90% de son poids, mais a conservé son volume et sa forme.
La lyophilisation permet non seulement de réduire le poids des aliments, mais aussi d’assurer leur conservation à long terme, jusqu’à deux ans. L’altération des aliments est due aux enzymes et aux micro-organismes. Tous deux ont besoin d’eau : les premières lors des réactions chimiques, et les seconds pour vivre. En supprimant l’eau, on stoppe toute décomposition.
La structure poreuse des aliments lyophilisés rend la réhydratation facile et l’apparence finale est celle de l’aliment frais; toutes les qualités nutritives sont préservées, ainsi que le goût. Son défaut : ce procédé énergivore coûte cher.
La popote au grand air
Un réchaud moderne compte deux éléments : le brûleur et le réservoir en aluminium, reliés par une conduite flexible. Une petite pompe équipe le réservoir et permet d’augmenter sa pression interne pour forcer le combustible à sortir lorsqu’on ouvre la valve du brûleur.
Les réchauds les plus courants en camping sont ceux utilisant le naphte. Aussi appelé essence blanche ou camping fuel, le naphte est une essence très pure, sans aucun additif.. Il laisse très peu de résidus en brûlant et offre une chaleur très élevée, quelle que soit la saison. Un réchaud au naphte dépasse facilement les 10 000 BTU.
(La puissance des réchauds : La puissance d’un réchaud s’exprime en BTU (British Thermal Unit). Un BTU est la quantité de chaleur requise pour élever la température d’un litre d’eau de trois degrés et demi. Un réchaud de 10 000 BTU ou plus peut faire bouillir un litre d’eau en trois minutes et demie.)
Le naphte est toutefois très volatil, ce qui augmente les risques d’inhalation ou d’explosion, surtout si on cuisine sous la tente… Ce carburant, liquide au départ, doit être vaporisé avant d’être brûlé, c’est pourquoi la conduite de gaz passe dans la flamme. En y circulant, le carburant liquide est chauffé et devient gazeux avant de jaillir et d’être consumé. Une fois le brûleur allumé, ça marche bien. Mais pour l’amorcer, il faut chauffer les conduites au préalable en laissant brûler un peu de combustible en dessous.
Pour les voyageurs qui visitent des continents étrangers, le naphte est une denrée rare. Il faut alors un réchaud « opportuniste », qui brûle plusieurs combustibles. Appelés réchauds multi-carburants, ils peuvent utiliser le naphte, mais aussi le diesel, l’essence avec ou sans plomb, le kérosène, l’alcool éthylique ou méthylique… Certains de ces produits sont largement répandus, mais aucun n’a toutes les qualités du naphte. L’essence et le diesel produisent de la fumée et de la suie, et finissent par boucher les conduits si on ne les entretient pas. Le kérosène est difficile à allumer, produit beaucoup de fumée et sent mauvais Quant à l’alcool, il produit moitié moins de chaleur que les autres carburants. Il en faut donc plus, ce qui revient plus cher. Il brûle toutefois très silencieusement et, étant peu volatil, il est sûr dans les endroits fermés.
Il existe aussi des réchauds fonctionnant avec des gaz liquéfiés (butane, isobutane ou propane) vendus en petites bonbonnes de métal déjà pressurisées. Ils s’allument facilement et offrent un meilleur contrôle de la flamme. Leur efficacité est par contre réduite par temps froid, et les bonbonnes vides deviennent encombrantes lors de longues sorties.
Boire sans déboires
En nature, un geste aussi vital que boire de l’eau peut être fatal si on ne prend pas des précautions. Trois ennemis sournois peuvent se cacher dans l’eau : les protozoaires, les bactéries et les virus (voir encadré).
Plusieurs options s’offrent à nous pour se débarrasser de ces indésirables. On peut d’abord faire bouillir l’eau. Trois à 10 minutes d’ébullition suffisent à détruire tous les pathogènes. Mais c’est une méthode coûteuse en carburant, qui demande un équipement encombrant et qui devient impossible en haute montagne où l’eau bout à moins de 100 degrés Celsius, ce qui empêche une stérilisation complète.
On peut aussi appliquer à l’eau des traitements chimiques. On utilise souvent l’iode, en capsules ou en liquide, mais son goût est désagréable et certains protozoaires lui résistent. On trouve maintenant du dioxyde de chlore, beaucoup plus efficace. Il se vend sous forme inactive, dans deux bouteilles. En mélangeant leur contenu dans l’eau. En mélangeant leur contenu dans l’eau, l’agent s’active et effectue la purification.
L’autre solution, à part des produits chimiques, c’est la filtration. Les filtres à l’eau sont constitués d’une cartouche microporeuse. On force l’eau à y passer à l’aide d’une pompe. La cartouche, faite de céramique ou de fibre de verre, présente des pores qui peuvent être aussi petits que 0,2 micron, une barrière infranchissable pour les protozoaires et les bactéries, mais que les virus traversent sans problème. C’est pourquoi, dans les régions du monde comme l’Afrique, il faudra utiliser une méthode de purification complémentaire.
Mais quelle que soit la qualité du filtre utilisé, il faudra remplacer sa cartouche lorsque ses pores seront bouchés, après filtration de quelques milliers de litres d’eau.
Les ennemis invisibles
Les protozoaires sont des unicellulaires relativement gros, entre 5 et 100 microns (un micron ou micromètre = un millionième de mètre = un millième de millimètre). Le plus connu est Giardia, le pathogène responsable de la giardiase, ou maladie du castor caractérisée par des diarrhées et des crampes.
Ce protozoaire est en augmentation dans les lacs d’Amérique à cause de l’expansion de castors et de rats musqués, des mammifères qui le transportent dans leurs intestins sans en souffrir.
Viennent ensuite les bactéries, unicellulaires encore plus simples et plus petits : entre 0,2 et 10 microns. La plus célèbre est Escherichia coli, ou E.coli, une bactérie qui réside normalement dans nos intestins, mais dont certaines souches peuvent être très toxiques lorsqu’elles sont ingérées.
Finalement, les plus petits contaminants sont les virus. Ils mesurent entre 0,0004 et 0,1 micron, et on les trouve surtout dans les pays en développement où ils causent de graves maladies comme la poliomyélite, la fièvre jaune et les hépatites. Sur notre continent, l’eau est à peu près exempte de virus dangereux.