Souvenirs du port de Québec
(Extrait du libre « Histoire des fortifications et des rues de Québec » par J. L. Lemoine, Québec, typographie Du Canadien, 1875)
Entre le quai de la Reine et la jetée à l’ouest, appartenant aux autorités impériales et nommée le quai du Roi, il y avait un enfoncement ou débarcadère, fort prisé par nos aïeux, où les vaisseaux côtiers et les petites embarcations de rivière se réfugiaient, le Cul-de-Sac. Là aussi, les navires, surpris par un hiver hâtif, attendaient que les soleils d’avril vinssent rompre leurs chaînes en fondant les glaces du fleuve.
On les mettait en hivernement sur un fond de glaise, douillettement et en sûreté : les vaisseaux naufragés y venaient aussi pour recevoir des radoubs. Le Cul-de-Sac, avec ses us et traditions marines, avait aux anciens jours, son utilité dans notre incomparable port de mer. Près de cet endroit, en 1759, Vaudreuil avait établi une batterie à fleur d’eau. Sur ce site fut bâtie vers 1833 l’ancienne douane. Le Cul-de-Sac rappelle « la première chapelle qui ait servi d’église paroissiale à Québec – celle que Champlain lit construire à la Basse Ville, en 1615, dans l’anse du Cul-de-Sac, où le nom de Champlain est resté attaché à la rue qui aboutis- sait à cette chapelle. Les Récollets y firent les fonctions curiales jusqu’à la prise de Québec par les Kertks (1615-1629.) » (Laverdière.)
Rien moins qu’un besoin pressant de fournir au public un marché convenable, et aux petits vapeurs côtiers des quais, ne put déterminer la municipalité d’y ériger les jetées actuelles et d’y élever en 1856, avec la pierre de taille de l’ancien Parlement, la spacieuse Halle Champlain que nous connaissons. Le quai du Roi et les hangars du Roi sur icelui, ont aussi leurs traditions marines et militaires. Quelques compagnies des Volontaires y étaient casernées à l’époque palpitante de 1837-8, lorsque « Bob Symes » rêvait une nouvelle conspiration chaque nuit, et que M. N. Aubin préservait, dans l’ambroisie du Fantasque, ce loyal Magistrat.
Que de pimpantes frégates, que de vaisseaux-amiral de la Grande-Bretagne ont attaché un canot à 3a rampe de ce quai Jacques-Cartier, Champlain, Nelson, Bougainville, Cook, Vauclain, Montgomery, ont tour à tour foulé cette pittoresque plage surplombée par le Cap aux Diamants. Depuis près d’un siècle, la rue qui porte le nom vénéré du fondateur de Québec, la rue Champlain, oublieuse de ses anciennes traditions gauloises, est le quartier-général, exclusif presque, de notre population Hibernienne. Une. lugubre planche peinte en noir et en blanc, suspendue aux saillies du Cap, marque l’endroit où l’un de leurs compatriotes, le général McPherson, recevaient le coup de grâce pendant une tempête de neige, vers 6 heures du matin,—le 31 décembre 1775. Cette malencontreuse matinée pour nos amis les ennemis, le poste était gardé par des miliciens, MM. Chabot et Picard ; le capitaine Barnesfare, marin anglais, avait pointé le canon ; Coiffin et le sergent McQuarters le tirèrent. A l’extrémité est se trouvait, selon MM. Casgrain et Laverdière, le tombeau de Champlain. M. Drapeau dit qu’il n’en est pas sûr.
Un peu à l’ouest est le Cap Blanc, habité par un petit groupe de Canadiens-Français : près de là fut lancé le premier navire bâti à Québec, en 1667 ; le drapeau blanc flottait alors aux bastions du Cap aux Diamants.