Histoire du port de Québec

Le port de Québec : vocation internationale et régionale

Depuis le début du XXe siècle, le port de Québec cherchait à retrouver une place favorable dans les grands courants commerciaux laurentiens en captant une part grandissante du commerce des céréales, des charbons et produits pétroliers, des bois à pâte et papiers et des produits miniers. Après les perturbations de la Grande Dépression et de la Deuxième Guerre mondiale, les conditions économiques du transport maritime laurentien transforment la position du port de Québec et de ses concurrents de la façade atlantique du continent. Parmi les forces déterminantes, il faut placer, d’abord, l’amélioration de la voie navigable sur le fleuve entre le golfe et Montréal par le creusage du chenal en aval et en amont de Québec pour faciliter la remontée de navires à plus fort tirant d’eau jusqu’à Québec et à Montréal, ensuite l’ouverture de la nouvelle voie maritime du Saint-Laurent en 1959 qui permet le développement d’un commerce intense de minerai de fer des ports québécoise vers les Grands Lacs et de céréales comme cargo de retour vers les premiers, également l’accès, dans les années 1960, des ports fluviaux de Québec et de Montréal à la navigation d’hiver, ensuite, l’augmentation très importante de la taille des navires en particulier pour le transport du pétrole et enfin l’adoption du conteneur pour le cargo général, le tout dans un contexte de concurrence et de complémentarité avec les transports terrestres, ferroviaires et autoroutiers. Certaines de ces conditions favorisent le port de Québec, surtout sa capacité d’accueillir des navires à plus fort tirant d’eau pendant une saison plus longue, d’autres inhibent sa croissance, comme l’étroitesse des espaces disponibles pour les aménagements intermodaux et le petit nombre de grands établissements industriels.

Dans la période de 1940 à 2000, de 75 à 85% des tonnages manutentionnés au port de Québec proviennent du chargement et du déchargement en transit et en vrac d’un nombre réduit de produits destinés soit à l’exportation internationale (céréales, amiante, papier journal et minerais ou concentrés métalliques), soit à l’approvisionnement des industries régionales et à la redistribution de leur production dans le centre et l’est du Québec (charbon et produits pétroliers, ciment, bois à pâte).

En premier lieu, les céréales de l’Ouest canadien continuent d’occuper une proportion très importante des activités portuaires, concentrées sur ses élévateurs à grains qui les entreposent temporairement. Elles s’y retrouvent à leur arrivée à Québec, par chemin de fer surtout (plus de 80%) jusqu’à la fin des années 1950 et par la suite essentiellement par bateau (à plus de 90% dans les années 1960) via la nouvelle voie maritime du Saint-Laurent. Elles repartent plus tard par navire vers les marchés britanniques et européens traditionnels, l’Afrique et l’Asie, mais aussi à compter des années 1960 vers l’URSS et les pays de l’Est. Même si Québec ajoute, en 1958-1959, une annexe qui hausse la capacité de ses élévateurs de 4 à 6 millions de boisseaux et une autre, en 1965, qui l’augmente à 8 millions, elle ne capte guère que 10% des expéditions de céréales des ports du Québec, dominées par Montréal avec Trois-Rivières et Sirel sensiblement au même niveau que Québec, puis par les ports de la Côte-Nord (Baie-Comeau en 1960) et Port-Cartier (1968) aménagés pour expédier, toute l’année, près de 50% du tonnage des céréales. Ainsi, les nouvelles capacités excédentaires des élévateurs se déplacent plutôt vers les ports minéraliers ouverts toute l’année. Après des périodes très actives jusqu’à 4 millions de tonnes au début des décennies 1980 et 1990, les expéditions céréalières internationales du port de Québec tendent à stagner autour de 1 million de tonnes au tournant du second millénaire.

Également, plusieurs substances minérales destinées au marché européen transitent par le port de Québec. L’amiante, surtout en provenance de Thetford-Mines et Black Lake, atteint, au milieu des années 1960, plus de 270 tonnes métriques, après une progression régulière de quelques milliers de tonnes à la fin des années 1950.

Une partie considérable des activités portuaires est reliée à des activités industrielles de la ville et de la région. La présence de l’Anglo Pulp et de ses quais développe des réceptions considérables de bois à pâte jusqu’en 1992 en provenance de Forestville sur la Côte-Nord où se trouvent les concessions forestières de l’entreprise, de même que des expéditions importantes, vers l’Europe surtout, de papier journal et autres papiers, incluant aussi certaines quantités des papeteries de Beaupré et de Donnacona. Avec les changements de propriétés de l’Anglo Pulp d’intérêts britanniques vers des japonais, puis des américains, les exportations de papier journal via le port diminuent radicalement dans les années 1990 de 175 000 tonnes à quelque 20 000 tonnes au tournant du second millénaire.

De plus, dans les années 1950, la région urbaine de Québec s’inscrit dans l’orbite de grandes industries montréalaises pour ses besoins en ciment et produits pétroliers. Ainsi, elle reçoit d’importantes quantités (jusqu’à près de 100 000 tonnes) de ciment jusqu’à l’ouverture de la Cimenterie St-Laurent de Villeneuve en 1954, puis elles chutent et disparaissent au tournant des années 1960 pour être remplacées par des expéditions vers des ports de l’Est du Québec.

À plus grande échelle encore, jusqu’à l’ouverture de la raffinerie Golden Eagle de Saint-Romuald en 1970, la région de Québec reçoit de Montréal, principalement, de fortes quantités d’essence et de mazout, dont elle consomme une partie et réexpédie une autre dans l’Est du Québec. Dans ses installations portuaires et industrielles, dans les décennies 1970 et 1980, en hausse jusqu’à 8,5 millions en 2002, de pétrole brut importé principalement du Moyen-Orient et d’Amérique du Sud d’abord, puis dans les années 1990 surtout de Norvège et de Grande-Bretagne, et expédie d’importantes quantités de mazout vers les régions du Québec et même à l’étranger.

La présence de la raffinerie ne diminue pas très substantiellement les réceptions d’essence et de mazout avant le milieu des années 1980, puis elles faiblissent très substantiellement par la suite, avec notamment l’acquisition par Ultramar de Gulf Canada et de son réseau de stations-service dans l’Est du Canada. L’organisation de la distribution des hydrocarbures entre les grandes pétrolières expliquerait le maintien de ces activités, représentées dans le paysage portuaire de Québec sous la forme de leurs grands réservoirs groupés par types de carburants et localisés sur les battures de Beauport ou le long du fleuve entre la gare Champlain et le pont de Québec.

Au total, les mouvements d’hydrocarbures dominent aisément les volumes transbordés au port de Québec et représentent 24% des totaux des années 1950 et 1960, 43% de ceux des années 1970, à peinte 27 % au début des années 1980, en hausse par la suite à 45 % au début des années 1990, jusqu’ à près de 60% au début des années 2000.

La forte concentration des activités du port autour du commerce de quelques produits d’exportation accroît la vulnérabilité aux mauvaises récoltes dans l’Ouest canadien, à la demande internationale des céréales ou des produits minéraux, aux prix internationaux des produits pétroliers. L’élargissement du spectre des produits transbordés répond certes à des besoins régionaux, tels que les importations de sel pour l’entretien hivernal des routes, d’alumine et de produits pour les alumineries de l’Alcan et de la Lauralco dans Portneuf, mais plus généralement profite des avantages spécifiques du port de Québec, comme c’est le cas pour les produits chimiques et les produits liquides en vrac du terminal IMII Québec sur les battures de Beauport.

Le port de Québec aurait pu faire partie également du mouvement international de conteneurisation du transport des marchandises générales, grâce à l’aménagement pour CP Navigation d’un terminal spécialisé en 1970 et son agrandissement en 1973. Ces installations font passer la proportion de marchandises générales en conteneurs de 30% en 1970 à environ 70% entre 1973 et 1976, mais sans augmentation globale du trafic de marchandises générales. Dès l’année suivante, toutefois, CP Navigation déménage ses activités à Montréal, conséquence d’un mouvement de rapprochemnt vers le cœur des marchés de consommation nord-américains des Grands Lacs et de l’Ouest. Est la fin des espoirs du port de Québec de jouer un rôle décisif dans ce commerce.

La faiblesse industrielle de la ville et de la région immédiate ne favorise pas l’expansion des activités portuaires qui en découleraient, pas plus que les retombées d’un trafic portuaire surtout de transit n’appuient de façon significative son développement industriel. Dans un effort pour contrer cette réalité économique, le ministère provincial de l’industrie et du Commerce (MIC) et le ministère fédérale de l’Expansion économique régionale (MEER) construisent, en 1974, la Société Inter-Port de Québec (SIQ), avec comme mandat d’identifier des complexes industriels possibles reliés à l’activité portuaire et de participer à leur évaluation et aux efforts pour les développer, de concert avec les autres intervenants de la région. Déjà, les études d’un projet de complexe industrialo-portuaire à Québec s’étaient accumulées, notamment celle de 1973 d’Asselin, Benoît, Boucher, Ducharme et Lapointe (ABBDL) sur le « Développement industriel du port de Québec », et s’ajouteront à celle plus développée de la même ABBDL, pour le compte du MIC et de l’PODQ intitulée « Étude du port de Québec (1977) », celle de Major et Martin commandée par la SIQ, dès son organisation en 1976, sur le « Développement de complexes industriels reliés au Port de Québec de 1977, et celle de Lionel Robert pour le Conseil régional de développement de Québec (CRDQ, région 3) sur « Le port de Québec et l’économie de la zone métropolitaine de Québec, de 1978).

La SIQ profite d’une conjoncture favorisant les interventions gouvernementales très actives dans le développement économique des régions peu développées et Québec, avec le statut de zone spéciale, devient éligible à des subventions aux entreprises qui s’y établissent. Attirer des grandes entreprises au port de Québec requiert des nouveaux espaces pour un port passablement à l’étroit sur les deux rives et, devant les insuccès d’une extension importante sur les battures de Beauport.

Dans la période de 1940 à 2000, de 75 à 85 % des tonnages manutentionnés au port de Québec proviennent du chargement et du déchargement en transit et en vrac d’un nombre réduit de produits destinés soit à l’exportation, soit au parc industriel de la Pointe-de-la-Martinière à l’est de Lauzon avec des projets d’envergure, notamment celui d’un terminal méthanier. Tous ces efforts n’apportent pas les retombées attendues et la Société Inter-Port se transforme en 1989 en société concentrée sur le projet de Lauzon, la Société du parc industriel et portuaire Québec – Sud. Ses fonctions de promotion industrielle plus générale retournent sous la coupe des administrations municipales (CUQ et MRC de la rive sud), en 1988, dans la Société de promotion économique de Québec métropolitain (SPEQM). Le lien entre les stratégies de promotion industrielle et le développement du port réintègre une stratégie régionale.

En plus du trafic des marchandises, le port de Québec conserve, pendant quelque temps, une place importante dans le transport des voyageurs. Après la Deuxième Guerre mondiale, le port accueille un nombre croissant de passagers internationaux jusqu’à un maximum de plus de 77 000 en 1953, et de près de 42 000 départs, en 1955. Par la suite, le déclin s’amorce, d’abord au ralenti, puis s’accélère à 15 000, en 1958-1960, à 7 000, au début des années 1960, à 500, en 1970, marquant la disparition quasi complète de la fonction d’accueil des immigrants et des voyageurs, au bénéfice du transport aérien international localisé dans les régions métropolitaines de Montréal et de Toronto. Le transport passager national et régional qui atteint un sommet de près de 20 000 passagers en 1955 s’estompe encore plus rapidement et complètement au milieu des années 1960. Ce n’est toutefois pas la fin de la présence de passagers au port de Québec, puisque la haute qualité de sa ville historique soulève l’intérêt de navires de croisières de plus en plus grand…

Voir aussi :

L'Agora du Vieux-Port de Québec en 1961. Photographie de Patrice Laroche, journal Le Soleil.
L’Agora du Vieux-Port de Québec en 1961. Photographie de Patrice Laroche, journal Le Soleil.

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