
Napoléon écrit lettres le lendemain de la victoire
Le lendemain de la victoire, Napoléon trouve le temps d’écrire à Joséphine des billets plutôt laconiques : l’on n’y retrouve guère le ton enflammé des lettres d’amour qu’il lui adressait pendant la campagne d’Italie.
Lettre L
À l’Impératrice, à Strasbourg, Austerlitz, 12 frimaire an XIX (3 décembre 1805).
Je t’ai expédié Lebrun du champ de Bataille. J’ai battu l’armée russe et autrichienne commandée par les deux empereurs. Je me suis un peu fatigué, j’ai bivouaqué huit jours en plein air, par des nuits assez fraîches. Je couche ce soir dans le château du prince Haunitz, où je vais dormir deux ou trois heures. L’armée russe est non seulement battue, mais détruite.
Je t’embrasse.
Napoléon.
Lettre LI
À l’Impératrice, à Munich, Austerlitz, 14 frimaire an XIV (5 décembre 1805).
J’ai conclu une trêve. Les Russes s’en vont. La bataille d’Austerlitz est la plus belle de toutes celles que j’ai données : quarante-cinq drapeaux, plus de cent cinquante pièces de canon, les étendards de la Garde de Russie, vingt généraux, trente mille prisonniers, plus de vingt mille tués ; spectacle horrible !
L’empereur Alexandre est au désespoir, et s’en va en Russie. J’ai vu hier à mon bivouac l’empereur d’Allemagne ; nous causâmes deux heures ; nous sommes convenus de faire vite la paix.
Le temps n’est pas encore très mauvais. Voilà enfin le repos rendu au continent, il faut espérer qu’il va être au monde : les Anglais ne sauraient nous faire front.
Je verrai avec bien du plaisir le moment qui me rapprochera de toi.
Il court un petit mal d’yeux qui dure deux jours, je n’en ai pas encore été atteint.
Adieu, ma bonne amie, je me porte assez bien et suis fort désireux de t’embrasser.
Napoléon.
Après la victoire, le 7e Te Deum de rigueur est ordonné
Circulaire à MM. Les évêques et aux présidents de consistoire :
Austerlitz, le 12 frimaire an XIV.
M. l’évêque du diocèse de…
La victoire éclatante que viennent de remporter nos armes sur les armées combinées d’Autriche et de Russie, commandées par les empereurs de Russie et d’Autriche en personne, est une preuve visible de la protection de Dieu, et demande qu’il soit rendu dans toute l’étendue de notre Empire de solennelles actions de grâces.
Nous espérons que des succès aussi marquants que ceux que nous avons obtenus à la journée d’Austerlitz porteront enfin nos ennemis à éloigner d’eux les conseils perfides de l’Angleterre, seul moyen qui puisse ramener la paix sur le continent.
Au reçu de la présente, vous voudrez donc bien, selon l’usage, chanter un Te Deum, auquel notre intention est que toutes les autorités constituées et notre peuple assistent. Cette lettre n’étant à une autre fin, nous prions Dieu qu’il vous ait en sa sainte garde.
Signé, Napoléon.
Par l’Empereur, le ministre secrétaire d’État, H.B. Maret.
Napoléon écrit fidèlement à sa femme :
Lettre LII
À l’Impératrice, à Munich, Austerlitz, 16 frimaire an XIV (7 décembre 1805).
J’ai conclu un armistice ; avant huit jours la paix sera faite. Je désire apprendre que tu es arrivé à Munich en bonne santé. Les Russes s’en vont, ils ont fait une perte immense. Plus de vingt mille morts et trente mille pris : leur armée est réduite des trois quarts. Buxhoewdem, leur général en chef, est tué. J’ai trois mille blessés et sept cents à huit cents morts.
J’ai un peu mal aux yeux ; c’est une maladie courante et très peu de chose.
Adieu, mon amie ; je désire bien te revoir.
Je vais coucher ce soir à Vienne.
Napoléon.
Mais l’indolente Joséphine est incorrigible et n’écrit pas plus à son mari que lors de ses précédents compagnes :
Lettre LIII
À l’Impératrice, à Munich.
Brünn, le 19 frimaire an XIV (10 décembre 1805).
Il y a fort longtemps que je n’ai reçu de tes nouvelles. Les belles fêtes de Bade, de Stuttgart et de Munich font-elles oublier les pauvres soldats qui vivent couverts de boue, de pluie et de sang ?
Je vais partir sous peu de temps pour Vienne. L’on travaille à conclure la paix. Les Russes sont partis, et fuient loin d’ici ; ils s’en retournent en Russie, bien battus et for humiliés.
Je désire bien me retrouver près de toi.
Adieu, mon amie.
Mon mal d’yeux est guéri.
Napoléon.
Et la lettre suivante commence toujours par le même reproche :
Le 28 frimaire an XIV (19 décembre 1805).
Grande Impératrice, pas une lettre de vous depuis votre départ de Strasbourg…

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