Les offres de paix

Les offres de paix de Napoléon et les pensées des Alliés sur les offres de paix

Le 4 décembre 1805, deux jours après la bataille d’Austerlitz qui avait vu la victoire complète des troupes françaises, les jalons de la paix furent jetés au cours d’une entrevue entre l’Empereur d’Autriche François II et Napoléon Bonaparte.

(Extrait des Souvenirs diplomatiques et militaires du général Thiard).

Pensées des Alliés sur les offres de paix de Napoléon

Pendant toutes ces journées, qu’ont pensé les Alliés des offres de paix françaises?:

Danilewski en donne un écho fort intéressant : Napoléon connaissait quels renforts nous arrivaient. Il avait également reçu des avis sur la marche de l’archiduc Charles, et acquis, par la lecture des papiers saisis sur un courrier autrichien, la certitude que la Prusse consentait à faire partie de l’alliance formée contre lui.

Cette réunion des troupes alliées lui commanda la prudence. Il ne crut pas devoir se risquer à attaquer les Russes dans leur formidable position d’Olmütz, et surtout il craignit de s’éloigner encore plus de ses communications.

Ces circonstances le déterminèrent donc à entamer les pourparlers; il écrivit la lettre suivante à l’empereur Alexandre. « J’envoie mon aide de camp, le général Savary, féliciter Votre Majesté sur son arrivée à l’armée, et lui exprimer toute ma haute considération pour sa personne, ainsi que le désir de trouver une occasion pour lui prouver combien j’ai à cœur d’acquérir son amitié. «Veuillez recevoir la personne que je vous envoie avec la bienveillance qui vous caractérise, et croyez que je désire beaucoup vous être agréable. Je prie Dieu qu’il vous ait en sa sainte et digne garde. » L’empereur Alexandre lui répondit : « C’est avec infiniment de plaisir que j’ai reçu la lettre qui m’a été remise par le général Savary, et pour laquelle je m’empresse de vous témoigner ma reconnaissance. Tous mes soins se bornent au rétablissement de la paix générale sur des bases solides et équitables. Je n’ai pas moins le désir de faire ce qui pourrait vous être agréable; recevez-en l’assurance, de même que celle de ma haute considération. »

La lettre portait pour adresse : Au chef du Gouvernement français (Alexandre ne voulant pas accorder à Napoléon le titre d’« Empereur », son entourage et lui-même avaient longuement discuté de l’adresse de la missive. Cette réponse de l’empereur Alexandre privait Napoléon de l’espoir d’une pacification. Il savait bien dans quel but notre souverain avait entrepris la guerre, et sur quelles bases il désirait établir une paix solide).

L’empereur François, qui, depuis les malheurs d’Ulm, était impatient de mettre fin à la guerre, se montra plus favorable à un rapprochement; il était même prêt à faire des sacrifices. Dans l’espoir que Napoléon prenant en considération le désavantage de sa propre position en Moravie, et de la probabilité d’une rupture très prochaine avec la Prusse, consentirait à une paix qui ne serait pas trop onéreuse à l’Autriche, il témoigna à l’empereur Alexandre le désir d’envoyer des parlementaires.

Quoique cette manifestation fût très opposée à ses résolutions, l’empereur Alexandre ne crut pas devoir contrarier cette intention que son allié avait d’entrer en négociations; il voulut le laisser agir d’après ses vues et dans l’espoir du bien-être futur de l’Autriche. Les comtes de Stadion et Giulay partirent donc immédiatement pour Brünn. Napoléon, après les avoir reçus, les envoya à Vienne, afin d’y traiter de la paix avec son ministre des Affaires étrangères, le prince de Talleyrand. Une correspondance secrète avait déjà existé, au sujet de la paix, entre la cour de Vienne et Napoléon; on l’avait entamé et suivie à l’insu de l’empereur Alexandre, car sa ferme résolution de ne point entrer en pourparlers avec Napoléon était bien connue.


Mais cette correspondance n’avait pas échappé à la perspicacité de Koutouzoff. Lors de son entrevue avec Mack à Braunau, quand cet infortuné général se rendait d’Ulm à Vienne, Koutouzoff avait cherché adroitement à obtenir des notions sur les communications qu’il pouvait être chargé de transmettre au sujet de la paix, sans avoir pu parvenir à connaître le fond des propositions; elles restaient enveloppées d’un mystère si profond que le comte d Meerfeldt, témoin de cette entrevue, avait blâmé Mack d’avoir avoué qu’il fût chargé par Napoléon de faire des communications à sa cour. D’ailleurs, une autre circonstance était venue confirmer les appréhensions de Koutouzoff sur l’existence de ces communications secrètes.

(Mikhailovski-Danilewski, Campagne de 1805).

Poésie dramatique et théâtre tragique

Avec le comte de Ségur, nous retrouvons Napoléon soupant, le 1er décembre au soir, entouré de ses officiers :

Murat et Caulaincourt étaient assis près de lui, puis Junot, le général Mouton, Rapp, Lemarois, Lebrun, Macon, Thiard, Ywan et moi. Le repas fut long, contre l’habitude de l’Empereur qui ne restait guère plus de vingt minutes à table; l’attrait de la conversation l’y retint. Quant à moi, persuadé que le grand événement près de décider de sa fortune ferait les frais de cet entretien, j’écoutais attentivement; mais il arriva tout le contraire.

L’Empereur, dès les premières paroles, interpellant Junot qui se piquait de quelque littérature, mit la conversation sur la poésie dramatique. Celui-ci ayant répondu par la citation de plusieurs tragédies nouvelles, Napoléon, comme s’il eût oublié l’armée russe, la guerre et la bataille de lendemain, se récria, entra tout entier dans cette matière et, s’y échauffant, déclara : « Que, à ses yeux, nul de ces auteurs n’avait compris le nouveau principe qui devait servir de base à nos tragédies modernes! Qu’il avait dit à l’auteur des Templiers, que sa tragédie était manquée! Qu’il savait bien que ce poète ne lui pardonnerait pas; que, en cela, l’amour propre d’auteur était inexorable! Qu’il fallait louer ces Messieurs pour en être loué! Que, dans cette pièce, un seul caractère était suivi, celui d’un homme qui voulait mourir! Mais que cela n’était pas dans la nature et ne valait rien; qu’il fallait vouloir vivre et savoir mourir!

« Voyez Corneille, s’écria-t-il, quelle force de conception! C’eût été un homme d’État! Mais les Templiers; cette pièce manque de politique! Il eût faillu mettre Philippe-Auguste dans la nécessité de les détruire; il fallait, en intéressant le public à leur conversation, faire sentir fortement que leur existence était incompatible avec celle de la monarchie; qu’ils étaient devenus dangereux par leur nombre, leurs richesses et leur puissance; que la sûreté du Trône exigeait leur destruction!

« Aujourd’hui que le prestige de la religion païenne n’existe plus, il faut à notre scène tragique un autre mobile. C’est la politique qui doit être le grand ressort de la tragédie moderne! C’est elle qui doit remplacer, sur notre théâtre, la fatalité antique…

(Général comte de Ségur, Histoire et Mémoires).

La paix et les fleurs. Photo de Megan Jorgensen.
La paix et les fleurs. Photo de Megan Jorgensen.

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