Bataille d'Austerlitz

La dernière proclamation

La dernière proclamation

La dernière proclamation de Napoléon à la Grande Armée et le retour à Paris

Après la paix, Napoléon, qui a le secret de la mise en scène, adresse une dernière proclamation à son armée :

À la Grande armée.

Schönbrunn, le 6 nivöse an XIV (27 décembre 1805).

Soldats !

La paix entre moi et l’empereur d’Autriche est signée. Vous avez, dans cette arrière-saison, fait deux campagnes ; vous avez rempli tout ce que j’attendais de vous. Je vais partir pour me rendre dans ma capitale ; j’ai accordé de l’avancement et des récompenses à ceux qui se sont le plus distingués ; je vous tiendrait tout ce que je vous ai promis. Vous avez vu votre Empereur partager avec vous vos périls et vos fatigues ; je veux aussi que vous veniez le voir entouré de la grandeur et de la splendeur qui appartiennent au souverain du premier peuple de l’univers. Je donnerai une grande fête, aux premiers jours de mai, à Paris ; vous y serez tous, et, après, nous irons où nous appelleront le bonheur de notre patrie et les intérêts de notre gloire.

Soldats ! Pendant ces trois mois qui vous seront nécessaires pour retourner en France, soyez le modèle de toutes les armées ; ce ne sont plus des preuves de courage et d’intrépidité que vous êtes appelés à donner, mais d’une sévère discipline. Que mes alliés n’aient pas à se plaindre de votre passage ; et, en arrivant sur le territoire sacré, comportez-vous comme des enfants au milieu de leur famille ; mon peuple se comportera avec vous comme il le doit envers ses héros et ses défenseurs.

Soldats ! L’idée que je vous verrai tous, avant six mois, rangés autour de mon palais, sourit à mon cœur, et j’éprouve d’avance les plus tendres émotions : nous célébrons la mémoire de ceux qui, dans ces deux campagnes, sont morts au champ d’honneur, et le monde nous verra tout prêts à imiter leur exemple, et à faire encore plus que nous n’avons fait, s’il le faut, contre ceux qui voudraient attaquer notre honneur ou qui se laisseraient séduire par les corruptions des éternels ennemis du continent.

Les émigrés français, qui espéraient que Napoléon ne pourrait survivre à cette nouvelle coalition, sont extrêmement déçus en apprenant la victoire d’Austerlitz. Ils laissent éclater leur rancœur dans une page de l’«Ambigu», journal de Peltier, édité à Londres :

On voudrait nous faire croire que l’humanité à son temple dans le cœur de Napoléon, dans ce cœur qui semble être le boudoir de Satan ; chez cet homme qui, pour imprimer la terreur chez les bourgeois de Vienne, leur a donné pour commandant de la ville son compère Hulin, bourreau du duc d’Enghien ; chez ce nouveau Néron, qui après la bataille d’Austerlitz alla voir deux fois toute la ligne des blessés, jouit de ce spectacle lugubre, huma avec délice l’odeur du sang…

(L’Ambigu).

Retour à Paris

Au retour d’Austerlitz à Paris, l’armée est reçue au milieu de l’enthousiasme général :

Nous rentrâmes à Paris par la porte Saint-Denis ; là nous attendait un immense concours de population, et l’on nous avait élevé un arc de triomphe.

Aux Champs-Elysées, nous trouvâmes des tentes et des tables servies de viandes de toutes sortes, avec de bons vins cachetés. Mais le bonheur voulut que la pluie tombât par torrents. Les plats se remplissaient d’eau, nous ne pouvions manger. On ne prenait même pas le temps de déboucher les bouteilles, on faisait sauter le goulot, et l’on buvait à la hâte. C’était pitié de nous voir, tous trempés comme des canards.

L’Empereur nous fit tous habiller à neuf et nous passa plusieurs fois en revue. La bonne ville de Paris, voulant sans doute nous dédommager des malheurs de notre arrivée, nous donna un festin sous les galeries de la place Royale. Rien n’y manquait, et le soir nous eûmes une comédie gratis à la Porte-Saint-Martin. On y représentait le passage du mont Saint-Bernard. Nous vîmes les bons moines descendre la montagne avec leurs gros chiens à côté d’eux. Je croyais être encore en 1800, à traîner ma pièce de canon ; je tapais des pieds et des mains. Mes camarades me disaient : Vous êtes donc fou, ce soir – Non, leur répondais-je, mais je les ai vus au Saint-Bernard, ces beaux chiens et ces bons capucins, tels que je les revois aujourd’hui ! Ce sont pour moi de vieilles et chères connaissances.

L’appel ne se fit qu’à deux heures du matin ; toutes les petites peccadilles furent pardonnée.

(Coignet. Vingt Ans de Gloire avec l’Empereur).

Et c’est l’érection de la colonne Vendôme, pour répondre au vœu manifesté par la nation d’élever un monument à la gloire d’Austerlitz :

L’Empereur ordonna l’érection d’un monument à la gloire de l’armée victorieuse, une colonne sur la place Vendôme. Elle avait été décrétée, par arrêt du 8 vendémiaire an XII, en l’honneur du peuple français, représenté par ses quatre-vingt-dix-sept départements ; une statue de Charlemagne devait la couronner. C’était la même idée, avec une autre destination. Quelle statue sera placée sur la colonne d’Austerlitz ? Charlemagne serait ici un hors d’œuvre, un anachronisme ; ce sera la statue du général de l’armée, de Napoléon.

Denon présenta à l’Empereur une série de médailles projetées pour perpétuer le souvenir de la campagne d’Austerlitz. La première représentait un aigle français étouffant dans ses serres le léopard anglais. Napoléon dit en la jetant avec violence : « Comment osez-vous dire que l’aigle français étouffe le léopard anglais ? Je ne puis mettre à la mer un seul petit bateau pêcheur, sans que les Anglais ne s’en emparent. Faites fondre de suite cette médaille et ne m’en présentez jamais de pareilles. » Il blâma la composition de celle relative à la bataille d’Austerlitz. « Mettez seulement d’un côté, dit-il, Bataille d’Austerlitz, avec sa date, et de l’autre aigle français, ceux d’Autriche et de Russie. Croyez que la postérité saura bien distinguer le vainqueur. » On substitua aux trois aigles l’effigie des trois empereurs.

(Thibaudeau. Histoire de la France et de Napoléon Bonaparte).

La dernière victime d’Austerlitz fut William Pitt, le plus tenace ennemi de Napoléon. Terrassé par l’annonce des succès français, il mourut le 23 janvier 1806.

L'homme entouré de ses frères est puissant. Photographie de Megan Jorgensen.
L’homme entouré de ses frères est puissant. Photographie de Megan Jorgensen.

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