
Début de la bataille d’Austerlitz
2 décembre 1805. L’heure de la bataille générale a enfin sonné :
Bien avant le jour, l’Empereur était à cheval; avant huit heures, il avait réuni autour de lui le prince Murat, les maréchaux Bernadotte, Lannes, Davout, Soult, Bessières. Oudinot et Berthier. Rappellerai-je, malgré la gravité de ce moment et le faible à propos du fait, que depuis la scène de la maison de poste. Lannes avait envoyé un cartel à Soult et n’en avait reçu aucune réponse, et que, le retrouvent là, il lui dit : « Je vous croyais une épée, et je vous ai attendu » ; à quoi Sault se borna à répondre : « Nous avons aujourd’hui à nous occuper de choses plus importantes », et Lannes de répliquer : « Vous n’êtes qu’un misérable » .
Au jour naissant, on vint rendre compte à l’Empereur que les dernières troupes russes qui avaient encore passé la nuit sur le plateau de Pratzen le quittaient, se dirigeant vers Tellnitz : « Combien de temps faut-il à vos troupes pour couronner le plateau de Platzen ? » demanda alors Napoléon au maréchal Soult, et, sur la réponse qu’il fallait au plus vingt minutes, voulant mettre à profit un brouillard qui couvrait les vallées et empêchait de voir nos troupes qui s’y trouvaient comme blotties, l’Empereur ajouta : « eh bien, nous attendrons encore un quart d’heure ». Ce quart d’heure écoulé, l’Empereur, de qui chacun avait reçu ses dernières instructions et ses ordres, donna le signal du départ ; chacun courut à son poste pour les exécuter ; lui-même partit en s’écriant : « Finissons cette guerre par un coup de tonnerre », et, au cri de « Vive l’Empereur! Que répètent les troupes, on achève de se séparer pour contribuer, chacun selon ses forces, à rendre plus écrasant le coup de tonnerre annoncé par celui dans les mains de qui se trouvait alors la foudre.
(Thiébault, Mémoires).
Début des combats
L’officiel 30e bulletin de la Grande Armée décrit le début des combats :
Le 11 frimaire, le jour parut enfin. Le soleil se leva radiaux ; et cet anniversaire du couronnement de l’Empereur, où allait se passer l’un des plus beaux faits d’armes du siècle, fut une des plus belles journées de l’automne.
Cette bataille, que les soldats s’obstinent à appeler la journée des trois empereurs, que d’autres appellent la journée de l’anniversaire, et que l’Empereur a nommé la journée d’Austerlitz, sera à jamais mémorable dans les fastes de la grande nation.
L’Empereur, entouré de tous les maréchaux, attendait, pour donner les derniers ordres, que l’horizon fût bien éclairci. Aux premiers rayons de soleil, les ordres furent donnés, et chaque maréchal rejoignit son corps au grand galop.
L’Empereur dit en passant sur le front de bandière de plusieurs régiments : « Soldats ! Il faut finir cette campagne par un coup de tonnerre qui confonde l’orgueil de nos ennemis. » Aussitôt, les chapeaux au bout des baïonnettes et les cris de Vive l’Empereur ! furent le véritable signal du combat. Un instant après, la canonnade se fit entendre à l’extrémité de la droite, que l’avant-garde ennemie avait déjà débordée ; mais la rencontre imprévue du maréchal Davout arrêta l’ennemi tout court, et le combat s’engagea.
(30e Bulletin officiel de la Grande Armée).
Premières minutes de la bataille
Napoléon était éveillé et debout à la pointe du jour pour faire prendre en silence les armes à toute l’armée. Il y avait un brouillard très épais, qui enveloppait tous nos bivouacs au point de ne pouvoir distinguer à dix pas. Il nous fut favorable, et nous donna le temps de nous disposer ; cette armée avait été si bien dressée au camp de Boulogne, que l’on pouvait compter sur le bon état dans lequel chaque soldat tenait son armement et son équipement.
À mesure que le jour arrivait, le brouillard paraissait se disposer à remonter. Le silence jusqu’à l’extrémité de l’horizon était absolu; on n’eût jamais pensé qu’il y avait autant de monde et de foudres enveloppés dans ce petit espace.
L’Empereur me renvoya encore à l’extrême droite pour observer le mouvement des Russes : ils commençaient à déboucher sur le général Legrand, comme j’arrivais près de lui; mais le brouillard empêchait de bien juger le mouvement.
Je revins en rendre compte. Il était à peu près sept heures du matin ; le brouillard était déjà assez remonté pour que je n’eusse plus besoin de suivre la ligne des troupes pour ne pas m’égarer (on était à deux cents toises des Russes).
L’Empereur voyait toute son armée, l’infanterie et la cavalerie formées en colonnes par divisions.
Tous les maréchaux étaient près de lui et le tourmentaient pour commencer : il résista à leurs instances jusqu’à ce que l’attaque des Russes se fût plus prononcée à sa droite ; il avait fait dire au maréchal Davout d’appuyer le général Legrand, qui bientôt après fut attaqué et eut toute sa division engagée. Lorsque l’Empereur jugea, à la vivacité du feu, que l’attaque était sérieuse, il fit partir tous les maréchaux et leur ordonna de commencer.
(Savary, général, duc de Rovigo. Mémoires.)
Napoléon lance Soult, qui commandait tout le centre de l’armée française, sur les hauteurs de Pratzen.
Lorsque, le 1er décembre au matin, il vit les hauteurs de Pratzen, couvertes par les Russes, son mot fut : « L’ennemi y restera longtemps, s’il attend que j’aille le déposter de là. »; mais, le même jour 1er décembre, rentrant vers minuit à son bivouac et y recevant la confirmation de la nouvelle qu’en grande partie l’ennemi avait déjà quitté ses hauteurs, était en force devant Tellnitz et continuait à augmenter sur ce point le nombre de ses troupes, il s’écria : « Demain, cette armée est à nous. »
Enfin, le matin même de la bataille, encore prêt à la retraite comme au combat, il retarde l’attaque d’un quart d’heure parce que le maréchal Soult lui dit qu’il faut vingt minutes pour couronner les hauteurs de Pratzen ; il ne donne le signal de l’attaque que quand un aide de camp bien lui dire (un peu prématurément) que ces hauteurs sont abandonnées, et, une demi-heure après le signal donné et selon sa propre expression, « les Russes ne se battirent plus pour leur victoire, mais seulement pour leurs vies. »
(Thiébault. Mémoires).
Brouillard à l’aube
Tous les mémoires, sans exception, mentionnent l’épais brouillard qui a envahi le champ de bataille à l’aube. Par temps clair, il est équitable de reconnaître que les Russes auraient parfaitement distingué les Français massés au pied du plateau de Pratzen, prêts à attaquer. L’effet de surprise manqué, le combat aurait sûrement été autre, et beaucoup plus difficile pour les Français.
Avec Savary, nous retrouvons l’armée française escaladant le plateau de Pratzen.
Cet ébranlement de toute l’armée à la fois eut quelque chose d’imposant ; on entendait les commandements des officiers particuliers. Elle marcha comme à la manœuvre jusqu’au pied de la position des Russes, en s’arrêtant parfois pour rectifier ses distances et ses directions. Le général Saint-Hilaire attaqua de front la position russe qu’on appelle dans le pays montage du Pratzer. Il y soutint un feu de mousqueterie épouvantable, qui aurait ébranlé un autre que lui. Ce feu dura deux heures ; il n’eut pas un bataillon qui ne fût déployé et engagé.
Le général Vandamme, qui avait un peu plus d’espace à parcourir pour rejoindre l’ennemi au feu, arriva sur lui en colonne, le culbuta, et fut maître de sa position et de son artillerie en un instant.
L’Empereur fit de suite marcher une des divisions du maréchal Bernadotte derrière la division Vandamme, et une portion des grenadiers réunis derrière celle de Saint-Hilaire. Il envoya ordre au maréchal Lannes d’attaquer promptement et vivement la droite des ennemis, afin qu’ elle ne vînt point au secours de leur gauche qui se trouvait totalement engagée par le mouvement de l’Empereur.
(Général Savary, duc de Rovigo. Mémoires).

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