Chronique théâtrale
Théâtre de Nouveautés
Aujourd’hui, après-midi et soirée, dernières représentations du Gendre de M. Poirier, comédie d’Émile Augier et Jules Sandeau, de l’Académie Française, qui obtient un immense succès et qu’il faut s’empresser d’aller applaudir. La semaine prochaine (Semaine Sainte) il n’y aura pas de représentations, mais la semaine de Pâques sera une représentation exceptionnelle au théâtre des Nouveautés.
On y donnera un des drames les plus poignants et les plus sensationnels qui aient été faits pour la scène : c’est « Martyre », le chef-d’œuvre d’Ennery. Cette pièce a déjà été représentée plusieurs fois à Montréal, et toujours elle a obtenu un succès de larmes et de rire qui rarement a été surpassé. Mais cette fois surtout, elle dépassera l’attente du public montréalais par la façon dont elle sera interprétée par les artistes des Nouveautés, et le soin avec lequel on la prépare. Car, il ne faut pas oublier qu’à cause du relâche de la Semaine-Sainte, on a quinze jours consécutifs pour montrer sous son plus beau jour ce drame sans égal. Aussi, nous ne doutons pas du succès incontesté qui fera ressortir une fois de plus le talent de ces brillants artistes.
Tout le monde connaît cette intrigue pleine d’intensité et d’émotion qui nous fait voir une femme martyre, soupçonnée, bannie, chassée de son foyer, supplantée dans le cœur de son mari et qu’on chercher à perdre dans l’esprit de son enfant. Il fallait tout le talent dramatique et l’âme de l’auteur pour faire revivre tant de souffrance de compassion et de pitié.
Théâtre de l’Opéra-Comique
Le public canadien aime entendre chanter; c’est pourquoi il encourage d’une façon spéciale le théâtre de l’Opéra-Comique. « Les Dragons de Villars, » l’exquise partition de Maillart, a fait salle comble cette semaine, et nous n’en avons pas été surpris, et nous avons applaudi, sans réserve Mlle Jarrié dans Rose Friquet.
Ce théâtre est en train de se créer une triste popularité qui ne peut faire autrement que grandir. Preuve : pour la semaine de Pâques, la vaillante troupe prépare une opérette encore inconnue à Montréal, mais dont le retentissement à Paris fut incontestable. C’est « La poupée », d’Audran, l’auteur de « La Mascotte », du « Grand Mogol », etc.
« La Poupée » dépasse ces opérettes veux-répertoire et est écrite en style neuf et plaisant. Elle a fourni une carrière de 400 représentations au théâtre de la Gaité, à Paris. Elle a été applaudie à outrance à la Nuvelle Orléans. Il importait que Montréal fût privilégié et eut à son tour, cette actualité triomphante. La première aura lieu en matinée, le lundi de Pâques. De nouveaux artistes venus de la Nouvelle-Orléans, débuteront dans « La Poupée. » La mise en scène, la distribution, l’orchestre, la figuration et les cœurs seront soignés.
La vente des sièges commencera dès lundi et l’on fera bien de les retenir à l’avance par téléphone. Outre la matinée du lundi de Pâquers, il y aura représentation tous les sois et en matinées ordinaires, le jeudi et le samedi, et enfin, la grande soirée de gala du jeudi.
Au théâtre Français
Pour monter de nos jours une comédie musicale de façon supérieure à celles qui l’ont précédé, un gérant ne doit pas regarder à la dépense d’argent. C’est ce que les propriétaires de « A Hot Old Time » ont fait. Ils ont révisé l’œuvre de Ray et elle nous revient plus drôle que jamais au « Français » une semaine avec matinées mercredi, jeudi et samedi, ainsi que le Vendredi Saint.
Un cœur splendide et des acteurs de première force ont été engagés pour faire de ces représentations les plus hilarantes de la saison. Marlo et Dunham, les Yaltos, un trio magnifique de gymnastes, Eddit Weston, John MacMahon, William Selery, Edward Collins, Ada Henry, Naude, Shilke, Nellie Nichols sont des artistes « du prince Cartello » qui feront un succès du « A hot Old time ».
Nos artistes de Sherbrooke
Le 31 mars (1903), il y avait un joli concert à Sherbrooke, devant un auditoire justement enthousiaste. Des artistes de Montréal ont reçu des ovations méritées et ont été consciencieusement secondés par ceux de Sherbrooke.
Mlle Eva Plouffe et Mme Codère ont bien rendu le concerto de Grieg, pour deux pianos. Mlle Alberta Le-Baron, élève de M. Alex M. Clerk, à chanté des choses délicieuses. Mlle Plouffe joua artistiquement Le Rossignol de Liszt et l’Étude 7 de l’opus 10, de Chopin. M.J.B. Dubois, joua sur la violoncelle, une Tarantelle, de Popper, et fut bissé ainsi que M. Émile Taranto, qui interpréta sur son violon, une Polonaise brillante, de Wieniawski et la Sérénade de Pierné. Enfin, le trio, composé de Mlle Plouffe, MM. Dubois et Taranto, interpréta les quatre mouvements très difficiles du trio en ré mineur d’Arensky.
Monument national
On nous annonce, aujourd’hui, que MM. Cartal et DeLaunay sont à mettre la dernière main au superbe drame qui sera représenté au cours de la semaine du 20 avril, au Monument national.
Ce drame est tiré du roman patriotique bien connu de M. Georges de Boucherville, @Une de Perdue Deux de Retrouvées. » qui a fait les délices de tous ceux qui ont eu l’avantage de le lire.
Tout fait présager un franc succès. Les noms bien connus de M. Jos. Charpentier, Mme Chapdelaine, M. et Mme Rey d’Uzil, M. A. du Castel et autres, figurent dans les principaux rôles.
MM. Cartal et DeLaunay nous réservent une surprise dans les tableaux. Nous en reparlerons plus tard.
(Cette chronique théâtrale a été publiée dans le journal Le Canada, le 4 avril 1903).
