Nos premiers artistes sculpteurs
L’art de la sculpture au Canada remonte à une époque relativement peu éloignée.
Lorsque en 1873 je commençai ma carrière, aucune statue n’avait encore été coulée en bronze par des Canadiens. L’histoire de l’art statuaire en notre pays, se résumait à bien peu de chose. Nos compatriotes s’étaient jusqu’alors contentés de tailler dans des troncs d’arbres, des statues de saints, des figures d’anges, destinées à l’ornementation des églises, car il est à remarquer que les premières manifestations d’art chez nous furent religieuses.
Le travail de ces premiers sculpteurs n’était pas aussi apprécié que celui des peintres, leurs contemporains, qui sans parvenir à produire des chef-d’œuvre possédaient pourtant plus de science. Aussi peu de noms de sculpteurs nous sont-ils restés. M. l’abbé Beaubien, dans son histoire du Sault-au-Récollet, parle d’un certain Hébert, sculpteur, qui, vers la fin du XVIIIe siècle, a laissé une réputation enviable dans le district de Montréal.
Mgr Laflèche rapportait l’histoire d’un statuaire du nom de Courillon, confectionneur de pacatilles ; statuettes et crucifix en plomb ou en bois qu’il vendait durant l’hiver, en colportant sa marchandise dans un traîneau. Sur le socle des modèles de saints qu’il avait fabriqués, il plaçait n’importe quel nom au gré de l’acheteur ; ou encore lorsqu’il s’approchait d’une maison d’apparence cossue, il écrivait d’avance le prénom du propriétaire sur un de ses magots pour faciliter la vente.
Sculpture au Canada
Même il échangeait sa sculpture pour n’importe quoi, troquant une sainte Magdeleine pour un sac de blé, un saint Michel pour des peaux de renards. Et tous ces saints se ressemblaient comme les membres d’une même famille.
Durant le second Empire, Anatole Parthenais mérite une mention spéciale. Élève de l’École des Beaux-Arts de Paris, il s’y fit une brillante éducation artistique. Malheureusement la mort l’a frappé trop jeune pour qu’il ait pu produire des œuvres sérieuses. Quelques sculptures sur bois, très appréciées, sont restées dans sa famille. Il repose dans le cimetière de Juliette.
Charles Dauphin, mort en 1873, est celui qui a le plus et le mieux produit. C’était un primitif.
Il arrivait à rendre son émotion sans connaître son métier ; son tempérament artistique manquait de culture, mais il avait un talent très réel. Tels sont les premiers sculpteurs canadiens dont le nom mérite d’être conservé, avant la période tout à fait contemporaine.
(Le Soleil, 1906. Philippe Hébert).
Sculpture au Canada et le sculpteur Louis-Philippe Hébert
M. Hébert (Louis-Philippe) est né le 27 janvier 1850. Il est le fils d’un des premiers colons des townships de l’Est, de M. Théophile Hébert, cultivateur de Sainte-Sophie d’Halifax, comté de Mégantic, d’origine acadienne, et de Julie Bourgeois, descendante d’une famille française, émigrée pendant la Révolution. Il est aussi le neveu de M. Noël Hébert, qui fut plusieurs années député de Mégantic, et qui servit de modèle à M. Gérin-Lajoie, pour son type admirable de Jean Rivard.
Comme chez tous les véritables artistes, le talent du jeune sculpteur se révéla dès son enfance. À sept ans, il sculptait déjà des figures en bois, surtout des soldats et des sauvages.
Mais comme ce talent là n’est pas précisément ce qu’il y a de mieux apprécié dans nos campagnes, on l’appelait communément le gosseux. Pour tout le monde, c’était un paresseux, impropre à rien, bon seulement à bâtir des chefs-d’œuvre, et qui ne saurait jamais labourer une pièce de terre de sa vie. Il avait aussi un autre défaut : c’était un liseux. « On n’avait pas plutôt le dos viré, disait-on, qu’il avait le nez dans un livre ». Bref, il était d’un mauvais exemple pour ses camarades.
Enfin, comme il avait trop d’idées croches pour faire un habitant, ou tenta de le lancer dans le commerce ; et le voilà commis chez un de ses oncles maternels. Or, comme il continuait toujours à gosses, son patron, dont il faisait le désespoir, finit par le congédier, en lui prédisant, suivant l’expression consacrée, qu’il ne ferait jamais rien.
(Opinion Publique 1881).
Voir aussi :