Agonie de l’hiver
(page d’accueil mars-avril 2012)
Après une carrière prolongée où il a pu se livrer impunément à toutes les rigueurs et à tous les excès que sa destinée lui impose, le vieil Hiver est à l’agonie. Depuis décembre, son souffle glacé a gelé la moelle du pauvre et plongé la nature dans une torpeur mortelle.
Dans les champs et à la ville, il a semé et accumulé sa froide neige, qui, ouate d’abord, s’est durcie et est devenue une épaisse couche de glace. Les rivières, les cascades, les torrents se sont figés, et partout, une immobilité sépulcrale a succédé aux vibrations émues de la nature.
Sous la pesée du rude hiver, tout s’est refermé. Tout, même le cœur humain. Aux souffles éoliens du zéphire a succédé le sifflement rauque du vent noir ; la brise s’est faite bise, el tes morsures impitoyables de Borée ont remplacé les caresses parfumées que la nature en travail faisait passer sur les chevelures des couples amoureux.
Les pauvres gens bleus de froid, ont gémi dans leurs galetas, rassemblant leurs pauvres nippes pour protéger les petits contre la froidure, après avoir épuisé leur dernier sou pour obtenir une étincelle.
Ah! Pauvres gens, vous en avez vu de cruelles sous le règne si long de cet impitoyable Hiver! Mais vous êtes vengés aujourd’hui. La fée Printemps a surgi à l’Orient; de sa baguette magique elle a touché le vieux malfaisant, et vous le voyez couché sur son lit de glace, agonisant, en butte aux malédictions de tous ceux qui ont souffert par lui.
(Texte de La Presse, publié le 26 mars 1904).

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