WHITEFACE : UNE RANDONNÉE EN PARTIE « TOURISTIQUE »…
Mont Whiteface. Par Charles Bertrand
Pour les familiers des Adirondacks que le défi de grimper les 43 montagnes de 4000 pieds et plus attire, Whiteface serait en général gardé pour la fin, en guise de quarante-troisième, puisque qu’à son sommet, aussi atteignable par une route asphaltée payante, se trouvent différents services et attraits touristiques : restaurant, station météorologique, etc.
Ma fidèle compagne de randonnée et moi-même avons procédé autrement, à l’occasion d’un séjour de trois jours dans les environs de Lake Placid, séjour combinant randonnée pédestre et vélo (comme lors d’un weekend consacré à Algonquin-Boundary-Iroquois).
Notons que Wilmington, d’où part la piste, est en quelque sorte la petite sœur du village de Lake Placid, et que s’il existe un accès à Whiteface le long de la route 86 entre ces deux municipalités, l’entrée la plus prisée se trouve à tout juste cinq minutes de voiture de l’intersection de la 86 et de la Whiteface Memorial Highway qui conduit au sommet.
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Comme d’habitude, il aura suffi de trouver le typique écriteau brun avec lettrage jaune pour accéder à la piste ; passé un énorme réservoir d’eau alimentant Wilmington, le chemin de terre battue se termine en cul-de-sac et l’on arrive à un barrage, le début de la piste se trouvant à gauche (notons que les places de stationnement sont cependant en nombre limité, l’espace étant au cinquième d’un stationnement comme celui de l’Adirondack Lodge).
Une étude attentive de la carte toponymique laissait entrevoir au moins deux sections de sentier relativement aisées, au dénivelé peu exigeant. La montée de Whiteface se sera de faite révélée étonnamment conforme à la visualisation qu’on aura pu tirer de la carte.
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Ainsi, la piste se divise en quatre sections distinctes.
Le premier quart est facile, presque plat, sous un couvert de feuillus assez dense, pour une durée d’environ une heure.
Un virage à droite offre ensuite un premier défi, une première montée plus abrupte qui mène au mont Marble.
La piste se divise alors en deux : à gauche pour continuer vers Whiteface et à droite, sur environ 200 à 300 pieds agrémentés d’une série de plaques rocheuses peu inclinées, pour atteindre le haut de ce mont Marble qui fut autrefois une station de ski. Ce court détour, d’à peine quelques minutes, en vaut largement la peine puisqu’on y obtient un premier point de vue des plus spectaculaires, voire assez vertigineux pour qu’il faille un certain temps pour s’habituer : on y voit une bonne partie du centre-ville de Wilmington et de la route 86, et à droite, l’on devinera la présence de la Memorial Highway.
La troisième section de piste qui s’amorce donc à cet endroit est presque aussi facile que la première ; il faut en profiter pour refaire ses forces. De surcroît, l’on peut commencer à voir, à gauche, la tour météorologique de la cime de Whiteface…
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Voilà certainement le principal attrait de la montée de cette montagne : souvent, pendant la seconde moitié du trajet, l’on apercevra, entre les arbres, cette attirante tour, lointaine et petite comme un bout de crayon au début et grossissant de plus en plus ensuite… une vraie décharge d’adrénaline, comme peu de sommets des Adirondacks (voire aucun) en offrira.
Vers la fin de cette section, l’on croise la piste menant au mont Esther, piste non balisée mais semble-t-il facile à suivre, le mont Esther étant cependant peu intéressant parce que complètement couvert par la végétation, comme par une perruque de conifères frisés… C’est passé ce sentier que le dernier quart du trajet commence, le plus difficile de la montée.

Après une bonne heure de ce dénivelé sévère, attaqué avec une légère fébrilité alimentée par cette vision intermittente de la tour, l’on aboutit à la route asphaltée, non sans avoir avant contourné un incroyable mur de pierres servant de soutien à la route, mur de pierres incliné à peut-être 85 degrés et d’une hauteur équivalent à un immeuble de quatre ou cinq étages. Longer ce mur et remonter vers la route n’aura pas été facile, et il nous a semblé que la suite de la piste y était mal indiquée, tant et si bien nous avons fini par enjamber le parapet de pierres pour aboutir à la route… et redécouvrir la suite du sentier presqu’aussitôt !
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Estimant, à tort ou à raison, que ce dernier droit de la piste serait excessivement ardu, et en particulier à cause des vents forts, nous avons choisi de rester sur l’asphalte et avons monté les quelques centaines de pieds restants par cette voie.

Comme annoncé, le sommet de Whiteface, malgré ses 4 867 pieds qui le classent comme le cinquième plus haut des Adirondacks, n’a rien à voir avec ceux beaucoup plus sauvages de la région. C’est une station touristique et météorologique avant tout, un sommet perforé d’un tunnel et augmenté d’un ascenseur (dans la tour météorologique), ainsi que d’un affolant escalier d’environ 200 pieds, véritable « muraille de Chine » dont les marches, tantôt en ciment, tantôt en pierres, demanderont un ultime supplément d’effort à celui qui aura déjà accumulé quatre heures de montée…

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Vu avec l’ensemble de ses caractéristiques, le mont Whiteface, que les puristes de la randonnée dédaignent quelque peu semble-t-il, apparaît en fait comme la montagne le plus paradoxale des Adirondacks : exigeant un effort à mi-chemin de ceux demandés par Cascade et Giant, on ne peut en prendre le défi à la légère, ce n’est tout de même pas une randonnée facile, tant s’en faut. Cependant, son développement touristique tranche avec ce qu’on connaît en bas de Lake Placid, dans les High Peaks et ailleurs, et d’aucuns trouveront peut-être que la possibilité d’accéder au sommet en voiture constitue une sorte de trahison de « l’esprit pédestre adirondakien »…
Et cela en particulier si le randonneur, pour redescendre et maximiser sa journée, plutôt que revenir par le même sentier pris pour l’ascension, recourt à son pouce et à la générosité d’un touriste en voiture pour redescendre…
… un crime de « lèse-majesté-montagnarde » que les deux acteurs de cette randonnée n’auront pas hésité à commettre, faut-il ici s’en confesser !

– Mont WHITEFACE : INFOS PRATIQUES –
– On aimera… –
Un trajet et un dénivelé très équilibré et aisé, deux sections planes très appréciées, la possibilité de voir le sommet (et sa tour) presque deux heures avant de l’atteindre, le péché de la paresse en redescendant par la route sur le pouce…
– On aimera un peu moins… –
Un premier quart de montée très à l’ombre, l’idée même que le sommet soit aménagé pour le tourisme automobile…
– Niveau de difficulté –
Difficile (si l’on fait l’aller-retour à pied), intermédiaire (si l’on revient par la route).
– Durée aller-retour –
4 heures pour la montée (donc, environ 8 heures au total).
– Route –
À partir de l’autoroute, prendre la sortie pour la 9N vers Lake Placid. À l’intersection de la 86 vers Lake Placid et de la 9N, prendre à droite sur la 86 vers Wilmington et Lake Placid. Puis à Wilmington, prendre la Whiteface Memorial Highway. Tourner à gauche sur le chemin conduisant à un certain centre d’études scientifiques et à un réservoir.
– Stationnement –
Juste après le réservoir sur le chemin qui se prend à partir de la Whiteface Memorial Highway.
– Divers –
Si l’on compte faire un séjour de plus d’un jour, il y a quelques endroits pour l’hébergement à Wilmington même. C’est tout près de l’intersection entre la 86 et la Whiteface Memorial Highway. Aussi, un ou deux commerces tiennent « pignon sur sommet » à Whiteface.

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Voir aussi :
- Le Mont Cascade : l’incontournable initiation
- Surpris par la nuit : Giant
- La Grande Boucle : Algonquin, Boundary, Iroquois
- Un nirvana à la limite du Waterloo : Gothics
- Le rêve enfin réalisé : Marcy
- La sérénité renouvelée : Colden
- Un rendez-vous nettement manqué : Phelps
- La revanche sur Gothics : Sawteeth
- Une randonnée avortée et une belle compensation : Colden et Indian Head
- Bald Peak : le plaisir du flanc de montagne
- Épilogue – clin d’œil