SURPRIS PAR LA NUIT : GIANT
Mont Giant. Par Charles Bertrand
Cette randonnée pourrait avoir pour paraphrase « quand l’on traîne en route, il faut sa lampe de poche si l’on ne veut pas y passer la nuit »…
Après une montagne comme Cascade et l’initiation aux sommets de 4 000 pieds et plus qu’elle constitua, je fus jugé à tout le moins physiquement apte à effectuer des ascensions de plus longue haleine… Pour la première de la sorte, j’ai été amené à grimper le mont Giant, un sommet de 4 600 pieds à l’est de Cascade.
Comme pour de nombreuses autres randonnées, j’ai eu pour compagnon un ami, d’environ quinze ans mon aîné, qui connaît les Adirondacks en détails et qui, dans ces années, ne partait presque jamais sans son chien Carillon, surnommé « la chèvre de montagne », l’on devinera pourquoi, et aussi « la loutre », pour sa propension à s’offrir des séances de thalassothérapie dans le moindre ruisseau boueux.
Nous n’avons commencé la randonnée que passé dix heures, sous un ciel de septembre nuageux qui s’annonçait capricieux. Giant offrant deux principaux accès, l’un court mais très abrupte, l’autre plus long mais aussi plus progressif, soit la Roaring Brook Trail, nous avons choisi ce dernier, mon compagnon ayant déjà expérimenté le premier et en gardant le souvenir d’un effort à la limite du déplaisant.
Ce choix fut judicieux. Sauf erreur, sur un aller d’environ quatre heures et demie, l’on peut entr’apercevoir la cime de Giant près de trois heures avant de l’avoir atteinte, mais encore très au loin, suivant le caprice du faîte des arbres.
Mont Giant
Aussi, un peu passé 2 000 pieds, la piste longe une petite rivière, à gauche, rivière passablement abrupte et dont le contrebas se détache sur un saisissant fond de montagnes.
Au moment de notre passage, on a pu croiser également ce qui semblait être le corridor d’une minitornade ou d’un violent coup de vent, arbres et terre ayant été labourés et dénudés sur une largeur d’une trentaine de pieds.
Enfin, si la cime de Giant, ou du moins la partie que nous en avons atteint, constitue un espace rocheux assez peu profond et restreint, elle donne une vue imprenable, cristallisée par, facilement repérable, un terrain de golf du côté de l’Ausable Lake.
Ce terrain de golf, qui réussissait à demeurer sous le soleil par la grâce d’un curieux effet de rotation des nuages, je le longerai quelques années plus tard, tout en bas, en revenant du mont Gothics.
Me retrouvant ainsi avec à ma droite le golf et, me faisant face, ce sommet de Giant foulé auparavant, je goûterai pour la première fois dans les Adirondacks cette félicité de se sentir orienté, situé concrètement, en terrain familier, chez soi au milieu de cette immensité qui, en d’autres circonstances, peut demander de gros efforts d’observation pour s’y retrouver.
Mais revenons à Giant.
*
Sur le chemin de retour, nous avons pris le risque, risque car il se faisait déjà tard, d’effectuer un détour par un petit lac sauvage situé au tiers de la hauteur, le Giant Washbowl. Ensuite, à portée de vue et d’ouïe de la route, nous aboutirons, en fin de parcours et en pleine noirceur, aux Roaring Brook Falls.
Nous y aurons croisé un campeur solitaire, dont l’installation, qui ressemblait à une tente improvisée avec de vieux draps, aura paru bien rudimentaire, surtout pour se protéger des animaux. Nous n’aurons pas su si l’homme craignait les ours, mais nous nous sommes tenus à distance du campeur, au cas où, l’on ne sait jamais.
Étonnamment pour ceux qui ne sont pas initiés au camping sauvage, il ne sera pas rare de rencontrer, dans le stationnement de la 73N, des randonneurs-campeurs s’en allant s’attaquer à Giant à l’arrivée de l’obscurité, manifestement pour passer la nuit en montagne aux Roaring Brook Falls !
– MONT GIANT : INFOS PRATIQUES –
– On aimera… –
L’aspect diversifié et les points de vue intéressants offerts par la Roaring Brook Trail, la visibilité du sommet en cours de montée, la possibilité de faire une courte boucle en redescendant vers un petit lac, le choix de deux pistes.
– On aimera un peu moins… –
La durée de la montée, l’aspect de prime abord intimidant de la montagne, l’étroitesse du sommet.
– Niveau de difficulté –
Difficile-très difficile.
– Durée aller-retour –
10 heures ou plus (par la Roaring Brook Trail).
– Route –
À partir de l’autoroute, prendre la sortie pour la 9N vers Lake Placid. À à l’intersection de la 86 vers Lake Placid et de la 9N. Rester à gauche sur la 9N. À l’intersection de la 9N et de la 73, prendre à gauche la 73S.
– Stationnement –
Situé juste après St.Huberts, à gauche sur la 73S, en face du stationnement pour Indian Head et autres.
– Divers –
Accéder au terrain de golf visible du sommet de Giant, de l’autre côté du stationnement, se fait en une vingtaine de minutes de marche. Si l’on veut souper dans la région et que Lake Placid semble trop long à atteindre, l’on peut se rabattre sur le village d’Elizabethtown, accessible par la 9N.
Chapitre suivant :
Pour compléter la lecture :
- Le Mont Cascade : l’incontournable initiation
- Un nirvana à la limite du Waterloo : Gothics
- Le rêve enfin réalisé : Marcy
- La sérénité renouvelée : Colden
- Un rendez-vous nettement manqué : Phelps
- Deux rendez-vous presque manqués et une frousse : Wright
- Une revanche sur Gothics : Sawteeth
- Une randonnée avortée et une belle compensation : Colden et Indian Head
- Hurricane : l’autre façon de s’initier
- Bald Peak : le plaisir du flanc de montagne
- Whiteface : une randonnée en partie « touristique »…
- Une autre boucle de (presque) douze heures : Bear Den, Dial et Nipple Top
- Épilogue-clin d’oeil