Le rêve enfin réalisé : Marcy

LE RÊVE ENFIN RÉALISÉ : MARCY

Mont Marcy. Par Charles Bertrand

Depuis un bon moment je la voyais sur la carte, cette fichue montagne, la plus haute des Adirondacks avec ses 5 344 pieds, la plus éloignée de tout aussi, en plein cœur des High Peaks, tentatrice et solitaire, elle me faisait de l’œil la démone, tout en sachant bien qu’elle n’était pas aussi inaccessible qu’une misérable carte pouvait le suggérer…

… à vrai dire, en pratique, si l’on prend le stationnement de l’Adirondack Lodge comme point de départ, un aller-retour à Marcy constitue tout de même une randonnée d’une douzaine de miles, concevable en une journée en s’y prenant de bonne heure.

Aussi, à force d’insister, ai-je un jour fini par entraîner mon ami de Giant dans le projet de faire cette ascension ; ce serait un 4 mai. Par ailleurs, j’avais appris que la piste s’avérait des plus progressives ; de surcroît, si la couche de neige ne s’avérait pas encore complètement fondue, elle aplanirait le sentier et rendrait la foulée d’autant plus aisée.

*

Sous un ciel bleu dégagé, à neuf heure trente, avec notre fidèle chien Carillon et sous une température assez douce qui nous incitera plus tard à marcher en manches courtes, nous sommes donc partis de Marcy Dam, déjà occupé par des campeurs.

Au bout d’une demi-heure de marche, vers les 2 500 pieds, la piste devint couverte d’une couche de neige assez épaisse pour qu’on ne s’y enfonce pas trop, c’était une neige du genre gros sel. Sans elle, nous aurions souvent pataugé dans un ruisseau soit boueux, soit en crue printanière.

indian falls Mont Marcy
Indian Falls, et au loin, de gauche à droite, Algonquin et Wright. Photo : © Tous droits réservés Charles Bertrand.

En quelques heures, nous avons atteint, à 3 400 pieds, Indian Falls, premier point de vue digne d’intérêt, qui offre une splendide ouverture sur Algonquin et Wright. On dit d’Indian Falls qu’il constitue une destination en soit, pour ceux que l’éloignement de Marcy découragerait, sans doute.

Deux heures après cette escale, le mont Marcy, à notre droite, se pointe petit à petit entre les branches. Ainsi, avec encore environ une heure et demie de montée, l’on peut avoir dans le champ de vision la cime de Marcy ; de quoi susciter une légère fébrilité et augmenter subtilement la cadence des pas… d’autant plus qu’à cette période de l’année, ce sommet comme beaucoup d’autres est couvert d’une neige par endroits glacée et luisante comme du marbre poli.

*

chemin vers marcy Mont Marcy
Sur le chemin vers Marcy, visible au centre au-dessus des arbres. Photo : © Tous droits réservés Charles Bertrand.

Plus tard, arrivé aux contrebas de la cime enneigée, nous aurons pu voir clairement et jusqu’à très loin les traces de pas de la piste.

Dès lors, n’en pouvant plus, avec peut-être trois cent pieds à faire, j’ai tenté de terminer l’ascension par un petit sprint…

Mal m’en prit : à 5 000 pieds d’altitude, par temps frais et avec six heures de marche dans le corps, j’ai stoppé net ma course une demi-minute plus tard ; je me suis retrouvé plié en deux, les jambes vidées, le souffle coupé…

Plusieurs sprints plus tard, je finissais tout de même par atteindre le sommet, devançant de quelques minutes mon compagnon de randonnée.

Sur place, il été possible de confronter la rumeur voulant que la vue du haut de Marcy ne soit pas aussi impressionnante que ce qu’on pouvait s’imaginer ; confronter et contredire car cela est certainement faux : Gray Peak à l’ouest et Little Marcy à l’est, très proches, créent une courte et saisissante perspective, et il n’y a guère qu’en direction d’Algonquin et de Marcy Dam que le paysage apparaît plutôt plat, faute de sommets élevés à proximité.

*

Mais ce ne fut pas là l’unique source d’étonnement. Après quelques minutes d’exploration du sommet, un service funéraire commençait…

Un homme, accompagné de quelques amis, avait grimpé les 5 300 pieds du mont Marcy avec, dans son urne, les cendres de son chien décédé, un chien qui, semble-t-il, aimait beaucoup se promener en montagne.

Aussi, du côté du lac Champlain, l’homme a-t-il ouvert l’urne et de la main lancé dans la brise les cendres de son fidèle ami…

chien decedé
Les cendres du chien décédé lancées par son maître. Photo : © Tous droits réservés Charles Bertrand.

Peu de temps après, voilà que ma montre indiquait seize heure trente, et il y en avait pour cinq ou six heures de marche pour revenir à l’Adirondack Lodge. En début de descente, mon compagnon me précédant avec son appareil photo et me laissant avec Carillon, j’ai été photographié au moment où je quittais le sommet de Marcy.

Sur la photo, l’on voit, sous un ciel bleu foncé, une gigantesque cime, miroitante comme un iceberg et parcourue de replis rocheux sombres, et au milieu, une petite silhouette noire, le bâton bien planté, le chien à ses pieds, les deux surplombant leur ombre plaquée avec netteté sur la neige luisante aux reflets jaunâtres.

sommet de marcy
Le sommet de Marcy, à gauche, et les traces de pas y menant, à droite. Photo : © Tous droits réservés Charles Bertrand.

– Mont MARCY : INFOS PRATIQUES –

– On aimera… –

Le dénivelé très progressif de la plus grande partie du trajet. Une très belle halte en Indian Falls. Un sentiment d’isolement unique.

– On aimera un peu moins… –

L’intérêt relatif du trajet (Indian Falls mis à part). Une vue en partie moins spectaculaire qu’ailleurs. La distance (faussement) intimidante du sommet par rapport au stationnement.

– Niveau de difficulté –

Difficile-très difficile.

– Durée aller-retour –

10 à 12 heures.

– Route –

À partir de l’autoroute, prendre la sortie pour la 9N vers Lake Placid. À l’intersection de la 9N et de la 86 vers Lake Placid, rester à gauche sur la 9N jusqu’à la 73. Prendre par la suite la 73N à droite vers Lake Placid. Passé les Cascade Lakes, prendre l’Adirondack Loj Road à gauche, juste après le motel Cascade Inn. (de couleur bleue). Compter environ 40 minutes jusqu’au stationnement de l’Adirondack Lodge et du Heart Lake.

– Stationnement –

À l’Adirondack Lodge (stationnement payant à certaines heures).

– Divers –

Certains, amateurs de camping sauvage, pourront préférer dormir au camping de Marcy Dam la veille ou le lendemain de la randonnée. En fait, une excursion de cette durée pouvant apparaître un peu excessive si faite en une journée.

charles et son chien carillon
En redescendant du sommet de Marcy, l’auteur et le chien Carillon. Photo : © Tous droits réservés Charles Bertrand.

Chapitre prochain :

Voir aussi :

Laisser un commentaire