LA GRANDE BOUCLE : ALGONQUIN, BOUNDARY ET IROQUOIS
La Grande Boucle. Par Charles Bertrand
Une randonnée dans une montagne aussi massive que Giant peut facilement exiger plus de dix heures d’un effort relativement soutenu. Augmenter son niveau d’endurance par cette façon s’avérera donc très approprié si l’on veut passer au stade supérieur : celui d’une grande boucle, qui demanderait « un tour de cadran » complet…
Aussi, après Giant et en compagnie d’une fidèle compagne de randonnée, ai-je effectué une longue randonnée du coté du mont Algonquin, une boucle qui s’est étendue sur douze heures, soit de neuf heures trente à vingt et une heures trente presque pile…
Le mont Algonquin, par ses 5 100 pieds, s’impose comme le deuxième plus haut sommet des Adirondacks, après Marcy. Situé dans le nord des High Peaks, il jouxte deux autres monts d’un peu moins de 5 000 pieds, soit Boundary et Iroquois, qui peuvent aisément s’atteindre en moins d’une heure à partir d’Algonquin.
L’ascension d’Algonquin ne m’a pas semblé aussi difficile que ce qu’on m’en avait dit. Le dernier droit, d’environ 1000 pieds, est cependant encombré de pierres parfois très grosses, donc exigeantes pour les genoux. Cette section ne s’en avère pas moins très spectaculaire, donnant éventuellement à voir le mont Wright et, lors de notre passage, un cortège de minuscules silhouettes le gravissant, randonneurs visibles de profil.
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Nous sommes arrivés au sommet d’Algonquin en un peu plus de trois heures et demie. Du haut d’Algonquin, Boundary et Iroquois paraissent si proches que, pour employer une expression que j’affectionne, on les dirait presque « à portée de corde à linge » (bon, disons, une très longue corde à linge…), comme si l’on pouvait y lancer un fil et s’y laisser glisser… et cela d’autant plus qu’à cette altitude, la végétation ne dépasse guère quatre pieds de haut.
Cette proximité aura donc fait germer l’idée de se rendre au faîte de ces voisines…

Ce détour en valait la peine. De Boundary vers Iroquois, à la piste balisée se substitue un sentier non entretenu, dans ce cas-ci un simple herb path. Cette piste finit en cul-de-sac au sommet d’Iroquois, que nous fûmes sans doute les derniers de la journée à joindre, un peu avant seize heures.
Baignés dans la lumière du jour déclinant et seuls tout au bout du chemin, avec pour unique compagnon un monticule de pierres, nous garderons de notre présence à Iroquois le souvenir d’un isolement intense et magique, et en fait si fort que notre passage à Algonquin s’en trouve légèrement relégué au second plan !
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Pourtant, ce pic d’Algonquin se révèle d’un spectaculaire à couper le souffle, et en particulier contemplé de Boundary ou Iroquois : semblable à celui de Cascade par son inclinaison et sa pierre rugueuse, il se révèle deux ou trois fois plus haut, et offre une fois atteint une vue quasi vertigineuse.
Cela étant, il aurait été normal et aisé, pour la suite, de redescendre par le même chemin, mais comme cela est souvent réalisable dans les Adirondacks, les randonneurs endurcis peuvent revenir en effectuant une boucle…
Ainsi, plutôt que revenir vers Algonquin, la décision fut prise de descendre vers le Colden Lake et l’Avalanche Pass par une piste commençant à Boundary, le but étant d’atteindre, en l’Avalanche Pass, un sentier un peu tourmenté mais qui se marcherait plus aisément qu’une descente abrupte comme celle du dernier droit menant à Algonquin.

Mauvais calcul !…
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Nous aurons mis presque deux heures juste pour arriver en bas… Au pied de Colden Lake, ma compagne combattait de vives douleurs ligamentaires aux genoux, nous en avions encore pour sept miles à marcher jusqu’à la voiture et il était presque dix-huit heures, en début de septembre…
Quelques heures de marche encore donc, mais qui en auront valu la peine, et pas juste pour une raison d’économie d’énergie…
L’Avalanche Pass longe l’Avalanche Mountain d’un côté, et de l’autre l’Avalanche Lake et le mont Colden. C’est une piste par endroits truffée de petites échelles et passerelles diverses, et qui, au bout de l’Avalanche Lake, conduit à un spectaculaire glissement de terrain venant des basses altitudes du mont Colden et de Lake Arnold.
Ma compagne et moi jurons devant Dieu y avoir repéré au moins un arbre planté dans la vase les branches en bas et les racines en l’air !…
Passé cet étonnant spectacle, nous avons été contraints de continuer avec nos lampes de poche. Nous avons marché ainsi près d’une heure et demie dans l’obscurité complète.
Ma compagne, fatiguée et craignant les animaux, n’aura guère aimé l’expérience, du moins sur le coup… Pour ma part, estimant que plus nous nous éloignions des terrains de camping sauvage, moins grand était le risque de rencontrer un ours, j’ai adoré…
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C’est un sentiment très particulier, quand l’on vit la chose pour la première fois, de marcher en pleine forêt la nuit en ne comptant que sur un court et étroit rayon de lumière pour se guider, en se sachant au cœur d’une nature sauvage qui s’éveille, et en se sentant malgré tout en relative sécurité parce qu’au moins, piste balisée aidant, l’on est sûr de ne pas se perdre.
Je concède tout de même avoir ressenti un léger soulagement lorsque nous sommes arrivés à Marcy Dam…

Marcy Dam est un populaire carrefour où l’on peut entendre parler français, et qui se constitue d’un terrain de camping sauvage et d’un petit barrage au centre de plusieurs pistes ; il n’est par ailleurs qu’à une trentaine de minutes de l’Adirondack Lodge et du stationnement.
Nous étions donc revenus en terrain familier.
Et avant de quitter le barrage, j’ai jeté le bâton que depuis plus d’une heure, instinctivement, j’avais tenu bien droit devant moi !
– LA GRANDE BOUCLE : ALGONQUIN, BOUNDARY ET IROQUOIS : INFOS PRATIQUES –
– On aimera… –
L’accession au deuxième plus haut sommet des Adirondacks en relativement peu de temps, la possibilité de faire deux sommets de plus et le choix de faire une longue boucle ou de revenir par le même chemin, la sensation d’isolement sauvage des cimes voisines.
– On aimera un peu moins… –
La dernière portion du trajet menant à Algonquin.
– Niveau de difficulté –
Algonquin et Algonquin-Boundary-Iroquois sans faire de boucle : difficile.
Algonquin-Boundary-Iroquois avec une boucle par l’Avalanche Pass : très difficile.
– Durée aller-retour –
Algonquin et Algonquin-Boundary-Iroquois sans faire de boucle : de 8 à 10 heures.
Algonquin-Boundary-Iroquois avec une boucle par l’Avalanche Pass : 12 heures.
– Route –
À partir de l’autoroute, prendre la sortie pour la 9N vers Lake Placid ; à l’intersection de la 9N et de la 86 vers Lake Placid, rester à gauche sur la 9N jusqu’à la 73, prendre la 73N à droite vers Lake Placid, passé les Cascade Lakes, prendre l’Adirondack Loj Road à gauche, juste après le motel Cascade Inn. (de couleur bleue), compter environ 40 minutes jusqu’au stationnement de l’Adirondack Lodge et du Heart Lake.
– Stationnement –
À l’Adirondack Lodge (stationnement payant à certaines heures).
– Divers –
On peut profiter de Marcy Dam pour se reposer. L’accès pour baignade au Heart Lake à côté de l’Adirondack Lodge est normalement réservé aux clients du camping, mais hors-saison et en demandant à l’accueil, l’on réussira peut-être à soutirer la permission de se tremper dans le lac. Aussi, le mont Jo surplombe ce lac, un sommet très facile atteignable en moins d’une heure.

Prochain chapitre :
Pour compléter la lecture :
- Mont Cascade : l’incontournable initiation
- Surpris par la nuit : Giant
- Le rêve enfin réalisé : Marcy
- La sérénité renouvelée : Colden
- Un rendez-vous nettement manqué : Phelps
- Deux rendez-vous presque manqués et une frousse : Wright
- Une revanche sur Gothics : Sawteeth
- Une randonnée avortée et une belle compensation : Colden et Indian Head
- Hurricane : l’autre façon de s’initier
- Bald Peak : le plaisir du flanc de montagne
- Whiteface : une randonnée en partie « touristique »…
- Une autre boucle de (presque) douze heures : Bear Den, Dial et Nipple Top
- Épilogue – clin d’œil