Bear Den, Dial et Nipple Top

UNE AUTRE BOUCLE DE (PRESQUE) DOUZE HEURES : BEAR DEN, DIAL ET NIPPLE TOP

Boucle de Bear Den, Dial et Nipple Top. Par Charles Bertrand

Grimper une montagne par la seule force de ses jambes et de sa détermination et en redescendre de la même façon, c’est l’essence même de la randonnée pédestre en montagne, mais oh mon Dieu que faire par la suite si, comme le mont Whiteface le permet, l’on revient en bas plutôt bien calé dans le siège d’une voiture ? Comment s’amender de cet odieux relâchement ?…

En s’offrant une autre randonnée de douze heures bien sûr !

Notons que le projet de grimper deux ou trois sommets en une seule randonnée se conçoit aisément en examinant une carte des pistes pédestres des Adirondacks.

Aussi, après le trio Algonquin-Boundary-Iroquois et la boucle pratiquée par l’Avalanche Pass, la chaîne de montagnes constituée par Bear Den, Dial et Nipple Top, avec un retour passant par la piste menant à Indian Head, s’imposait d’emblée, accompagnée toutefois d’une ferme résolution : planifier assez bien la randonnée pour ne pas revenir à l’obscurité, comme cela était arrivé auparavant.

Cela étant, dans l’ensemble, quant au dénivelé comme pour la durée ressentie, le trio Bear Den-Dial-Nipple Top se sera avéré passablement plus exigeant que la boucle faisant passer par Algonquin-Boundary-Iroquois.

La raison en tient à la façon dont le dénivelé se présente.

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Si l’accès à Algonquin et ses voisines est relativement direct, et facile à visualiser, donc en apparence moins long, celui à Bear Den, le premier sommet de la chaîne, se montre extrêmement exigeant parce que pourvu d’un grand nombre de montées et descentes, ce qui rend la piste laborieuse en termes d’efficacité pédestre et très difficile en matière de patience et de persévérance : au bout de deux – trois heures de grimpette, l’on n’en peut plus d’espérer que la prochaine montée soit la dernière, que l’on arrive enfin à la crête menant finalement au trio de montagnes visé.

Faire la boucle Bear Den-Dial-Nipple Top-Indian Head rappelle donc à quel point, outre à l’endurance purement physique, les Adirondacks peuvent en appeler parfois à l’endurance purement psychologique, à l’effort presque constant pour ne pas se décourager et continuer, quoi qu’il arrive, à mettre un pied devant l’autre jusqu’en haut…

Cette série de montées – descentes menant à Bear Den donne aussi l’occasion de mettre en pratique un truc tout simple pour anticiper, deviner quand l’on atteindra un quelconque sommet ou plateau : regarder le ciel et le faîte des arbre. Au bas de la piste, le ciel n’occupera dans le champ de vision que le premier quart ou le premier cinquième supérieur, la végétation occupant la plus grande partie du champs de vision vertical, puis, en cours de montée et très graduellement, « le ciel descend », il occupe bientôt le tiers supérieur, ensuite la moitié, le ciel descend vers le faîte des arbres qui eux « montent »…

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Boucle de Bear Den, Dial et Nipple Top
Une vue des environs, à partir du sommet de Bear Den. Photo : © Tous droits réservés Charles Bertrand.

Et c’est immanquable, avant longtemps, le ciel cesse de descendre et les arbres de monter, les deux se rejoignent en quelques sortes… Dans le genre de toponymie offerte par Bear Den-Dial-Nipple Top, il sera ainsi possible, avec l’expérience, d’anticiper l’arrivée au sommet à un quart d’heure ou une demi-heure près, chose non négligeable en termes d’endurance psychologique quand la randonnée demandera plus de onze heures de marche!

Pour le reste, évidemment, la beauté des paysages rêvés ajoutera son habituelle dose d’adrénaline…

… et le désir de sortir de la forêt avant la tombée de la nuit y ajoutera la sienne !

Dans le cas de cette randonnée, le calcul fut plus précis que pour la boucle Algonquin-Boundary-Iroquois mais pas parfait.

Si la descente à partir de Boundary avait été très longue, celle à partir de Nipple Top pour entamer la boucle du retour s’avère beaucoup plus courte et d’un spectaculaire à couper le souffle : l’on a l’impression que l’on pourrait se « crasher » contre la montagne nous faisant face tellement celle-ci, dans le champ de vision, grossit vite !

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Une fois en bas de Nipple Top, la piste devient plus facile toutes proportions gardées, et idyllique au possible avec éventuellement une rivière sauvage qui la jouxte.

Ce sentier rejoindra bientôt le chemin de terre menant au terrain de golf ; nous l’atteindrons dans l’obscurité complète, pour finalement moins d’une heure de marche à la noirceur, et en se disant qu’au moins, cette fois-ci, nous avions réussi à quitter le cœur des montagnes avant d’en arriver à utiliser nos lampes de poche.

Nous avons donc retrouvé ce golf avec un sentiment identique à celui vécu lors de nos retrouvailles avec Marcy Dam ou l’Adirondack Lodge de notre précédente boucle de douze heures : se sentir de nouveau en terrain familier, pour ne pas dire subtilement plus sécurisant, se savoir « sortis de la montagne »…

Dans les Adirondacks, pistes balisées aidant, on finit toujours par retomber sur ses pattes à un moment ou un autre, même si, en certaines occasions, de très furtifs doutes, un subtil malaise teinté d’une hâte d’en finir, peuvent nous titiller plus ou moins consciemment, tel un sournois mélange d’anxiété et de mieux-être…

Du reste, c’est ce malaise mêlé d’ivresse qui, plus que n’importe quoi d’autre, fait des Adirondacks une matrice à rêves et à épreuves unique en son genre !…

vue sommet dial
Une vue des environs, à partir du sommet de Dial ; en arrière-plan, la chaîne des monts Sawteeth, Gothics et autres. Photo : © Tous droits réservés Charles Bertrand.

– BEAR DEN, DIAL ET NIPPLE TOP : INFOS PRATIQUES –

– On aimera… –

L’ivresse de chevaucher trois sommets en assez peu de temps (une fois le premier atteint), le réconfort du chemin de terre battue pour terminer la randonnée, le caractère exceptionnellement sauvage et isolé de la deuxième moitié de la boucle, la descente assez rapide vers la section relativement plane du chemin du retour.

– On aimera un peu moins… –

L’exigence assez extrême des montées et descentes nombreuses vers Bear Den, l’étroitesse du sommet de Nipple Top.

– Niveau de difficulté –

Très difficile.

– Durée aller-retour –

11 à 12 heures.

– Route –

À partir de l’autoroute, prendre la sortie pour la 9N vers Lake Placid. À l’intersection de la 86 vers Lake Placid et de la 9N, rester à gauche sur la 9N. Puis à l’intersection de la 9N et de la 73, prendre à gauche la 73S.

– Stationnement –

Situé juste après St. Huberts, à droite sur la 73S, en face du stationnement pour Giant, où l’on peut se stationner également.

– Divers –

En redescendant de Nipple Top vers la piste menant à Indian Head, un étang crée un détour sur la gauche qui peut désorienter momentanément, puisque l’on aura l’impression de marcher dans la mauvaise direction ; un effet trompeur et sans conséquence.

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sommet nipple et charles
L’auteur, au sommet de Nipple Top. Photo : © Tous droits réservés Charles Bertrand.

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