Rouyn, pays de l’or
Écrit par G.-E.Marquis, chef du Bureau provincial de la Statistique à Québec
Rouyn – Votre correspondant fait actuellement un voyage d’étude que peu de vos lecteurs on eu l’avantage d’accomplir.
Depuis trois jours, je suis l’hôte de Soin Honneur le maire du village de Rouyn, centre de ralliement et de ravitaillement des terrains miniers qui s’étendent à cinquante milles à la ronde.
Le patelin de M. Jacques Fortier, maire et ingénieur civil, se compose de quatre édifices : une maison, un magasin, un hangar et une écurie. Ce sont des bâtisses rudimentaires faites de pièces d’épinettes et calfeutrées de mousse végétale.
Le village comprend au-delà de 150 maisons de bois rond, de toutes les dimensions et de toutes les formes. Depuis la petite case de 12 pieds x 12 pieds, où couchent une douzaine de Russes, jusqu’à l’hôtel Windsor. Cet établissement peut loger quelques douzaines d’aventuriers en quête de fortune.
Les rues sont bien indiquées, sur les places, mais, dans la pratique, un pique au plus court, pour aller d’un endroit à l’autre, à travers les souches calcinées, les racines qui vous accrochent au passage et les marécages où l’on enfonce jusqu’aux genoux.
Quand il pleut, la terre argileuse que les prospecteurs ont répandue un peu partout en faisant leurs fouilles, cette terre collante nous tient cloués au sol et menace de nous déchausser à tout instant.
La civilisation
La civilisation a commencé à pénétrer dans cette agglomération d’individus hétéroclites depuis environ un an, grâce à l’arrivée d’un prêtre, de quelques religieuses et professionnels.
Aujourd’hui, il y a une école, une chapelle, un presbytère, une église, un club protestant (Church of England), deux théâtres, deux salles de billard, trois pharmacies, des cafés, une buanderie, des étaux, des boulangeries, des forges, des ateliers de construction, des magasins, des épiceries, etc. Les professions libérales comptent trois médecins, un notaire, un ingénieur et quelques fonctionnaires publics.
Bientôt, l’on pourra venir ici par deux chemins carrossables, l’un partant d’Angliers au terminus nord du chemin de fer qui traverse le comté de Témiscamingue, et l’autre venant de Macamic, sur le Transcontinental.
Le premier mesurera une cinquantaine de milles et l’autre exactement 40. Un chemin de fer partant d’Obrien, sur le Transcontinental aboutissant à Rouyn se construit actuellement, et l’on espère qu’il pourra être inauguré à la fin d’août prochain. Il mesurera 43 milles exactement.
Actuellement, en été l’on peut venir ici de deux façons : par hydravion ou par eau, en partant soit d’Angliers, soit de Villemontel. En hydravion, le trajet mesure 75 milles et se fait dans une heure.
Des fouilles
Les prospecteurs font des fouilles un peu partout. Le terrain, sur une étendue de trente à quarante milles, est sous location et piqueté. Des essaies et analyses ont établi qu’il y a de grandes richesses dans le sol. Ces richesses se composent d’or, d’argent, de cuivre et parfois de zinc et de plomb.
La Noranda Mines Limited qui a fait ériger une partie de son territoire en ville, semble posséder de grandes valeurs. Cette compagnie, puissante de plusieurs millions, va construire une ville modèle.
Rouyn, c’est le pays de l’or, comme jadis la Californie, le Klondike et Cobalt. Les aventuriers ont été les pionniers de la région et la tourbe ordinaire a afflué ici au début. Ils ont amené avec elle ses tares et ses misères, mais cette période a fait son temps et l’ordre commence à régner.
Bientôt, des organisations sérieuses, et en grand nombre, contrôleront les richesses que recèle le sol. L’on verra se développer, dans le Témiscamingue et l’Abitibi, des exploitations qui mettront en circulation des millions de dollars. Cela tout en fournissant un marché avantageux pour les cultivateurs de la même région de l’ouest de la province de Québec.
(Le journal La Presse article a publié cet article le 12 juin 1926).
Pour compléter la lecture :
- La ville de Rouyn-Noranda
- Historique des chemins de fer au Québec
- Abitibi-Témiscamingue
- Rouyn-Noranda et ses environs