Traversée de la Saint-Charles

Traversée de la rivière Saint-Charles

Au temps de la Nouvelle-France il n’y avait pas de ponts sur la rivière Saint-Charles, mais il y avait trois endroits de passage : le premier se trouvait à l’Hôpital-Général, le second au pied de la rue de la Couronne et le troisième au niveau du Palais de l’Intendant, sur le site du Parc Cartier-Brebeuf.

Au passage de l’Hôpital-Général, un câble était tendu d’une rive de la Saint-Charles à l’autre et le bac servait uniquement aux fermiers de cette communauté.

Le passage public était à l’emplacement du pont Drouin, construit en 1912. Au XVIIe siècle, ce passage était effectué par un homme nommé Gilles Quesnel, qui avait obtenu des Pères Jésuites cet affermage. Les Jésuites étaient depuis 1626 les seigneurs du fief Notre-Dame-des-Anges, à travers lequel coulait la rivière Saint-Charles et où ce passage se situait. En 1667, les Jésuites ont obtenu le droit exclusif d’établir un bateau traversier pour le public.

L’ordonnance disait que «les Pères Jésuites pourront mettre tel homme qu’il leur plaira pour passer et repasser tous ceux qui voudront traverser la dite rivière Saint-Charles et défenses sont faites à Renaut et tout autre de passer sans la permission des dits Pères, d’y empêcher en quoi que ce soit celui que les dits Pères auront mis; les chemins nécessaires pour les passages seront libres de l’un et de l’autre côté de la rivière.»

De cette date et jusqu’à la fin du régime français au Canada, les Jésuites conservèrent le privilège de faire traverser la rivière Saint-Charles aux habitants.

Le 24 mars 1686, le procureur du collège des Jésuites, le Père Raffeix, baillait et laissait pour les trois années à venir à Gilles Quesnel le passage de la rivière Saint-Charles, moyennant la somme de 100 livres par année. M. Quesnel devait se procurer à ses frais les canots, câbles et avirons nécessaires pour effectuer ledit passage.

Les Pères Jésuites, afin d’empêcher M. Quesnel d’exiger un surcoût des habitants pour le passage de la rivière, spécifiaient que «ceux qui seraient seuls ou seulement l’homme et la femme ne payeraient que 40 sols; les familles de trois ou quatre personnes devaient payer trois livres. Les familles plus nombreuses devaient payer quatre livres par an.»

Les Pères Jésuites continuèrent ce bail du passage en faveur de Gilles Quesnel pendant plus de 20 ans.

En 1707, comme M. Quesnel devait plusieurs années de loyer aux Pères Jésuites, ceux-ci donnèrent à un autre le passage en question.

Mais Gilles Quesnel ne se tint pas pour battu. Il présenta une requête à l’Intendant Raudot afin d’obtenir la permission d’établir un passage du palais de l’Intendant à la Canardière. Plein de ressources, entre autres raisons il affirmait que ce nouveau passage diminuerait le temps du trajet pour les gens de Beauport. Il va sans dire que les habitants de Beauport signèrent cette requête, le Seigneur du Chesnay en tête, ainsi que le procureur du Séminaire de Québec, M. l’abbé Dubuisson. La demande fut accordée.

Néanmoins, M. Quesnel ne jouit pas longtemps de cette faveur. Un mois s’était à peine écoulé que les Jésuites, quelque peu rancuniers, faisaient annuler son droit de passeur en évoquant la «Prévôté du temps» et faisant défense à Gilles Quesnel de faire passer des particuliers de Notre Dame-des-Anges et d’autres seigneuries adjacentes «sous quelque prétexte que ce soit, sous peine de confiscation des canots dont il pourra se servir comme passager, et de telle amende que nous jugerons à propos».

Gilles Quesnel fut donc éliminé et les Jésuites restèrent maîtres de leur droit de passage sur la rivière Saint-Charles, jusqu’à la Conquête du Canada en 1759. À partir de cette date, le dernier passeur, M. François Delâge, dit Lavigueur, demeurant au Gros-Pin et grand-oncle des notaires Delâge de Québec, remplira ce service public durant 25 ans, payé par l’administration.

En 1789, le premier pont étant ouvert à la circulation, le droit de passage public sur la rivière Saint-Charles perdit toute signification.

rivière st charles
La Rivière Saint-Charles, premières décennies du XXe siècle, photo libre de droit.

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