Noms des rues de Québec
Au XVIIe siècle, l’appellation des rues relevait des compétences du gouverneur de la Nouvelle-France. À Québec, environ trente rues, chemins et ruelles reçurent leur nom autrement.
Aujourd’hui, plusieurs d’entre elles portent les noms des fondateurs de Québec. On peut citer la Côte d’Abraham (appelée en l’honneur du colon et pilote du roi, Abraham Martin), la rue De Buade (d’après Louis de Buade, comte de Frontenac, gouverneur de la Nouvelle-France), les rues d’Hébert (premier défricheur en Nouvelle-France), de Couillard (nommée d’après Guillaume Couillard de Lespinay, l’un des premiers habitants de Québec), de Marie-Rollet (l’épouse de Louis Hébert), sans parler de la rue de Champlain, de la rue Pontgravé (d’après Gravé du Pont, compagnon de Champlain), l’avenue Nicolet (d’après Jean Nicolet ou Nicollet de Belleborne), etc.
Plusieurs rues portent des noms de saints, ce qui témoigne de l’esprit religieux du temps. On peut citer les rues de Sainte-Marie, Saint-Joseph, Saint-Joachim, Saint-Paul, Saint-Jean, Saint-André, l’avenue Saint-Denis, les rues Sainte-Anne, Saint-François, Saint-Nicolas, Saint-Roch, Saint-Agustin, Saint-Bonaventure, Saint-Ignace, Saint-François, Saint-Dominique, Saint-Patrice, Sainte-Madeleine, Saint-Pierre, etc.
Après les saints, les résidents de Québec se sont souvenus de leurs souverains: François 1er, Saint-Louis, la rue du Roi, de la Reine, du Prince Édouard (cette fois, c’est le roi britannique Édouard VII), et bien sûr la reine Victoria.
Une autre source d’inspiration est le nom des évêques: Laval, Saint-Vallier, Panet, Briand, Plessis, Turgeon, Signay, Taschereau, de Chevrière, de la Croix (les deux dernières rues nous rappellent le nom complet de Mgr Saint-Vallier: Jean-Baptiste de La Croix de Chevrières de Saint-Vallier). Plusieurs curés ont aussi inspiré les citadins: Charest, Gauvreau, Racine, Demers, Durocher, Père Alber, Bouffard, Godbout, Grenier…
On peut citer d’autres rues d’inspiration religieuse: l’avenue des Oblats, la rue de l’Alverne (Franciscains), la rue Notre-Dame-des-Anges (Récollets), la rue des Capucins, les rues Marie-de-l’Incarnation et d’Aiguillon (les deux noms nous rappellent les Ursulines), la rue Marguerite-Bourgeois, etc.
D’autres rues portent des noms faisant référence à des lieux: Côte de la Canoterie et Côte de la Fabrique (ce nom rappelle l’ensemble des paroissiens laïcs d’une paroisse), la rue des Carrières, celle des Jardins, du Fort (elle rappelle l’ancien château Saint-Louis), du Porche, du Trésor (dans cette route se trouvaient les bureaux de la trésorerie), la rue Sous-le-Fort (cette rue rappelle l’habitation de Champlain), la rue des Remparts, etc.
Rappelons toutefois que la Côte de la Montagne porte le nom de Noël Jérémie, sieur de la Montagne, qui y aurait vécu dans les années 1620, quand Samuel de Champlain traça cette rue..
D’autres voies publiques puisent leur nom dans des sources plus curieuses: par exemple, la rue des Grisons rappelle que des ânes, ou grisons, chargés de grain la parcouraient pour se rendre au moulin à vent de la butte, situé au bout de la rue Mont-Carmel (par ailleurs, cette rue a été nommée en l’honneur du gouverneur Huault de Montmagny, qui était chevalier de l’Ordre de Malte, dont le sous-ordre portait le nom de Mont-Carmel).
Les noms des gouverneurs français ou anglais ne sont pas oubliés: de Montmagny, de la Barre, de Frontenac, de Lauzon, d’Argenson, Rigaud, d’Auteuil, d’Artigny, Elgin, Dufferin, de Lorne, Gosford, Dalhousie, etc. Les intendants : Talon, Demeulles, Sagard, Déligny. Les maires avec les rues Bédard, Caron, Belleau, Tessier, Alleyn, Morin, Robitaille, Langevin, Tourangeau, Parent, Lavigueur.
Les chefs militaires sont légions: Montcalm, Wolfe, Lévis, Salaberry, Bouganville, Verchères, Dollard…
Des explorateurs sont également honorés par la ville de Québec: la rue Jacques-Cartier, la rue La Vérendrye, la rue Père Marquette, la rue Joliet, la rue La Salle, la rue d’Iberville, la rue Fraser…
Des rues mentionnent les historiens et les hommes de lettres: la rue Garneau, la rue Ferland, la rue Casgrain, la rue Crémazie, la rue Charlevoix, etc.
Mais l’origine du nom de certaines rues demeure mystérieuse. Par exemple, la rue du Sault-au-Matelot rappelle-t-elle un matelot inconnu qui aurait sauté depuis le promontoire de Québec? Ou est-ce simplement que les matelots sautaient à terre en débarquant? Qui sait…
La rue des Glacis: on dit que c’était à cet endroit que les exécutions capitales avaient lieu vers la fin du XVIIIe siècle. Cette rue s’appelait également Gallow-Hill. La rue du Parloir aurait mené au parloir des Ursulines.
Plusieurs rues ont reçu leur appellation en l’honneur de personnalités anglaises comme Carleton ou Dorchester. En 1805, on ouvre la rue King en hommage à George III, roi d’Angleterre de 1767 à 1820.
En 1831, Crown Street est nommée en l’honneur de la Couronne britannique. En 1876 apparaît la rue McMahon, en 1876, naît la rue St. Patrick, aujourd’hui Saint-Patrick. La rue Brown est tracée vers 1904 et la rue Murray en 1911.
Commémorer les explorateurs
Donnacona : Une rue du Vieux-Québec qui conduit au couvent des ursulines porte le nom de ce chef de la bourgade de Stadaconé, qui a accueilli Jacques Cartier en 1534 et à nouveau en 1535. Il existe aussi une rue de Stadaconé dans le Vieux-Limoilou, qui a été ouverte en 1983.
Jacques Cartier : Plusieurs rues de la ville ont porté le nom du découvreur du Canada à un moment donné. Aujourd’hui, une place dans le quartier Saint-Roch perpétue sa mémoire. On trouve également une rue et un quartier Limoilou, nom emprunté au manoir où le navigateur a fini ses jours. L’ancienne rue Saint-Malo a été rebaptisée en 1920, par contre, une paroisse et un parc industriel de Québec portent toujours le nom de Saint-Malo.
Samuel de Champlain : La rue du Petit-Champlain, connue avant 1663 comme la rue de la fontaine Champlain, rappelle le souvenir du fondateur de la capitale du Québec. Quant au boulevard Champlain qui prolonge cette artère jusqu’au pont de Québec. Ce boulevard a été aménagé au début des années 1960.
Rappelons que plusieurs artères de Québec ont été nommées à la mémoire des fondateurs et martyrs de l’Église canadienne : les rues Garnier, l’avenue Jeanne-Mance, l’avenue des Jésuites, Jogues, Lalemant, Laval, Le Jeune, l’avenue Marguerite-Bourgeoys, Marie-de-l’Incarnation, des Récollets, Sagard.
Les gouverneurs
Plusieurs des plus anciennes rues de Québec ont été tracées et baptisées par le gouverneur Montmagny. Les noms de Saint-Louis et Sainte-Anne ont été choisis en l’honneur de Louis XIII et de son épouse, Anne d’Autriche. Le nom de Sainte-Geneviève évoque la ville natale du gouverneur. Enfin, la rue du Mont-Carmel rappelle l’un des sous-ordres de l’ordre de Malte.
Les rues Sous-le-Fort et du Fort renvoient quant à elles au fort Saint-Louis. En revanche, les rues qui immortalisent les noms de gouverneurs de la période des Cent-Associés (les débuts de la ville de Québec) se concentrent dans le quartier Saint-Sauveur.
1636-1648 Charles Huault de Montmagny – En plus des rues qu’il a lui-même baptisées, il existe une rue Montmagny depuis 1890.
1648 – 1651 Louis d’Ailleboust de Coulonge et d’Argentenay. Le nom de la rue D’Ailleboust remonte à l’époque où Saint-Malo n’était qu’un village aux abords de Québec.
1651 – 1656 Jean de Lauson – aucun rue à Québec port son nom, pourtant, plusieurs odonymes honorent ce nom au Québec.
1657 – 1661 Pierre de Voyer d’Argenson. L’actuelle rue D’Argenson a reçu ce nom en 1890, mais il était aussi en usage avant 1663 pour désigner la rue Saint-Pierre.
1661 – 1663 Pierre Dubois Davaugour. Le dernier gouverneur à servir sous le règne de la compagnie des Cent-Associés a aussi droit à une reconnaissance officielle. La rue D’Avaugour a été ainsi nommée en 1917.
1663 – 1665 Augustin Saffray de Mézy. Aucune rue à Québec ne rappelle le souvenir de gouverneur, mort à Québec et inhumé dans le cimetière des pauvres de l’Hôtel-Dieu.
1672 – 1682 Louis de Buade, comte de Frontenac et de Palluau. À Québec, la rue Buade a été tracée par le gouverneur lui-même en 1674 dans le prolongement de la côte de la Montagne. Une rue Frontenac a aussi été ouverte en 1917 dans le quartier Saint-Sacrement.
1682 – 1685 Joseph-Antoine Le Febvre de La Barre. Il y a une rue de ce nom à Sainte-Foy.
1685 – 1689 Jacques-René de Brisay de Denonville. Ce gouverneur, comme son prédécesseur, n’a pas su composer avec les Iroquois.
1689 – 1698 Louis de Buade, comte de Frontenac et de Palluau, second mandat (voir 1672 – 1682).
1699 – 1703 Louis-Hector de Callière. Ce gouverneur, qui repose sous la cathédrale, s’est distingué en signant la paix avec les Iroquois en 1701. Une rue De Callière a été ouverte en 1917 dans le quartier Saint-Sacrement de Québec.
1703 – 1725 Philippe de Rigaud de Vaudreuil. Connue autrefois comme la rue Wolfe, la rue De Vaudreuil dans le quartier Saint-Sauveur porte ce nom depuis la fin du XIXe siècle.
1726 – 1746 Charles de Beauharnois de La Boische. L’ancienne rue Samson, situées aux abords du cimetière Saint-Charles, a été rebaptisée rue De Beauharnois en 1917.
1747 – 1749 Roland-Michel Barrin de La Galissonière. Savant naturaliste a été de passage dans la colonie. Il a assuré l’intérim pendant que le gouverneur de La Jonquière était retenu prisonnier par les Anglais. À Québec, une rue du Vieux-Limoilou portait son nom, mais elle est devenue la rue Cadillac en 1917.
1749 – 1752 Jacques-Pierre de Taffanel de La Jonquière. Une rue De La Jonquière a été ouverte dans Saint-Sauveur en 1954, aux abords du cimetière Saint-Charles.
1752 – 1755 Ange Duquesne de Menneville. Une rue Duquesne ouverte en 1973 dans le quartier Les Saules évoque le souvenir de celui qui a été occupé à fortifier la colonie en prévision d’un affrontement final avec les colonies britanniques.
1755 – 1760 Pierre de Rigaud de Vaudreuil de Cavagnial. Fils de Philippe de Rigaud de Vaudreuil (1703-1725), il est le premier Canadien à devenir gouverneur en titre de la colonie. Une rue de Québec porte son nom (mais d’après l’historien Pierre-Georges Roy, cette rue a été baptisée en l’honneur de son père.
Les intendants
Les intendants de la Nouvelle-France sont presque totalement absents de l’odonyme de Québec. Il y a eu jusqu’à la fin du XIXe siècle une rue Talon dans Saint-Sauveur, l’actuelle rue Saint-Léon, ainsi qu’une place Jean-Talon près d l’îlot des Palais. Les deux ont disparu. Il y a eu aussi une rue Bégon dans le quartier Montcalm, rebaptisée rue du Maréchal-Foch en 1912. Enfin, la rue du Petit-Champlain portait le nom de rue De Meulles à la fin du XVIIIe siècle.
Aujourd’hui, les seules rues qui subsistent portant des noms d’intendant sont la rue De meulles, en l’honneur de Jacques De Meulles, dans le Vieux-Limoilou, la rue Dupuy, en l’honneur de Claude-thomas Dupuy, dans Lairet, la rue Hocquart, en l’honneur de Gilles Hocquart, dans Saint-Sacrement, et la rue Jean-Bochart, en l’honneur de jean Bochart de Champigny, dans Neufchâtel.
Membres du Parlement
La Ville de Québec ne fait pas qu’honorer des premiers ministres, gouverneurs et intendants. Elle rend honneur aussi à un chef de l’oppostion: la rue Sir-Mathias-Tellier, du quartier Maizerets, a été créée en 1959. Mathias Tellier dirigea l’opposition de 1908 à 1915.
La rue Louis-Fréchette du quartier Saint-Sacrement honore un homme de lettres qui a aussi été un homme politique. Dans le quartier Lairet, la rue Sir-Thomas-Chapais rappelle le souvenir de l’historien qui a été conseiller législatif et sénateur. L’avenue Nantel du quartier Neufchâtel a été baptisée ainsi pour Guillaume-Alphonse Nantel, ministre dans plusieurs cabinets conservateur de 1891 à 1897. La rue Rodier du quartier Neufchâtel rappelle Charles-Séraphin Rodier, maire de Montréal de 1858 à 1862, nommé conseiller législatif en 1867.
Gouverneurs du Canada
Deux représentants de la reine au Canada ont donné leur nom à des artères du quartier Saint-SAuveur : les rues Vincent-Massey, gouverneur général de 1952 à 1959, et la rue Général-Vanier (Georges Vanier a été gouverneur général de 1959 à 1967).
Des lieutenant-gouverneurs
Quelques lieutenants-gouverneurs ont donné leur nom à des rues de la ville. La rue Letellier pour Luc Letellier de Saint-Just, dans le quartier Saint-Roch, la rue Sir Adolphe Chalpleau, dans le quartier Maizerets, la rue Sir-Louis-Jetté, dans le quartier Saint-Sacrement, le boulevard Langelier, pour François Langelier, dans le quartier Saint-Sauveur.
Un amant des vieux murs de Québec
Lord Dufferin, gouverneur général du Canada de 1872 à 1878, aime bien la ville de Québec et elle lui le rend bien. Il plaide en faveur de la préservation des vieilles fortifications qui encerclent la haute ville. La célèbre terrasse qui domine le fleuve est connue sous le nom de Terrasse Dufferin. L’autoroute Dufferin-Montmorency relie la colline parlementaire à la Côte-de-Beaupré.
La reine Victoria y sa famille
Les Québécois de jadis ont eu beaucoup d’affection pour la reine Victoria qui régna de 1837 à 1901. La longue rue Victoria traverse le quartier Saint-Sauveur. Le parc Victoria a été inauguré en 1897, l’année du soixantième anniversaire de l’accession de la reine au trône. On n’a pas oublié les membres de sa famille. La rue Alfred, du quartier Saint-Roch, et le bassin Louise honorent deux de ses enfants.
Une monarchie toujours présente
Les souverains de Grande-Bretagne et du Canada qui se sont succédé de 1910 à nos jours (George V, 1910 – 1936 ; George VI, 1936 – 1952 ; Élisabeth II, en règne depuis 1952), sauf le roi Édouard VIII qui abdiqua en 1936, sont évoqués par l’odonymie québécoise. Devant le Manège militaire de la Grande Allée, la place George V a été baptisée ainsi en 1917. La rue George-VI va de la Grande Allée à la côte Gilmour et a été empruntée par le roi lors de sa visite en 1939. La rue Élisabeth-II quant à elle est située dans le quartier Neufschâtel.
Les députés et ministres
L’avenue Galipeault, qui donne sur la Grande Allée, honore le ministre Antonin Galipeault qui a été l’orateur de l’Assemblée législative de 1916 à 1919. PIerre Bertrand, député ouvrier de Saint-Sauveur de 1923 à 1927 puis député conservateur de l’Union nationale jusqu’en 1939, alors qu’il devient conseiller législatif, a donné son nom à un boulevard du quartier Lebourgneuf. La rue René-Chaloult (du quartier Neufchâtel) rappelle le souvenir d’un député indépendant du comté de Québec qui s’est illustré en 1948 en faisant pression pour que le drapeau fleurdelisé devienne le drapeau officiel du Québec. Avec un groupe de dissidents de l’Union nationale, il fonde en 1937 le Parti national. Il meurt en 1978. Pour les Québécois, le boulevard Wilfrid-Hamel évoque surtout le maire qui a dirigé les destinées de la ville de 1953 à 1965, mais ce dernier a aussi été député libéral de Saint-Sauveur et ministre dans le cabinet Godbout de 1933 à 1944.
Les Conférences de Québec
Dans le quartier Saint-Sauveur, la rue Roosevelt rappelle les visites à Québec du président américain Franklin Delano Roosevelt au cours de la Seconde Guerre mondiale. Un autre président américain est honoré à Québec: la rue Kennedy du quartier Neufschâtel a été baptisée ainsi en mars 1964, quelques mois après l’assassinat de John Kennedy.
Voir aussi :
Pour en apprendre plus :
- Les rues de Saint-Roch
- La Voirie et le Voyer
- Biographie de Jean Talon
- Biographie de Mgr de Laval
- Biographie de Nicolas Jérémie
- Biographie de Mgr Pontbriand
- Ursulines
- Château Saint-Louis
- Rue Mont-Carmel
- Rue Ferland