La chaussure, c’est pas le pied !

Un caillou dans la chaussure, ou les conflits de travail

Avec le développement de l’industrie de la chaussure surgissent les inévitables conflits de travail. C’est vers 1900 que les ouvriers des manufactures de chaussures et des usines de cuir commencent à prendre conscience de leurs droits et réclament de meilleures conditions de travail et un salaire plus élevé.

Dans ce but, les ouvriers fondent des unions ouvrières rapidement tenues en suspicion par les autorités. Cependant, l’Église favorise ces unions et elles sont appuyées publiquement par le Pape Léon XIII, qui appelle toutefois à: «garder la juste mesure en tout, même dans les luttes pour le meilleur traitement des ouvriers

Mais garder la juste mesure est chose assez rare, quel que soit l’habit que l’on porte… et les chaussures que l’on met. En 1903, la première confrontation sérieuse entre les cordonniers et les patrons survient. Ce différend est tellement sérieux que les manufacturiers ferment les portes de leurs usines.

Le conflit n’est résolu qu’après l’intervention du cardinal Bégin, qui trouva une solution heureuse en proposant la création d’un comité conjoint de patrons et d’ouvriers. Les deux parties acceptent la proposition et Rome fait même des commentaires favorables et recommande cette solution comme un modèle à suivre.

Ensuite, il y eut diverses frictions en 1908 et en 1915, mais le comité conjoint réussit à concilier les parties.

En 1926 toutefois, les conflits allèrent en s’aggravant. Les syndicats ouvriers étaient devenus puissants et les patrons déclarent un lock-out, c’est-à-dire la fermeture des usines. Cette situation se prolongera de mars à novembre 1926. Finalement, un tribunal d’arbitrage est formé, composé de M. Herbert Gale pour les patrons, de M. Thomas Poulin, représentant les ouvriers, et du Juge Bernier. La sentence du tribunal fut défavorable aux unions ouvrières.

Alors, on commence à parler d’injustice. Les unions ouvrières annoncent leur désaccord et des ouvriers désertent en masse les ateliers.

Louboutin
Chaussures Louboutin. Photo de GrandQuebec.com

Les manufacturiers invitent les cordonniers à reprendre le travail, mais presque personne ne se présente. Ceux qui venaient travailler étaient traités par les autres de scabs, terme méprisant qui en anglais désigne des ouvriers non-grévistes.

En grande majorité, les ouvriers continuèrent à faire la grève. À la sortie des usines, il y eut des rixes entre grévistes et non-grévistes, et même des bagarres sanglantes. La police municipale eut fort à faire pour maintenir l’ordre.

Finalement, les grévistes se soumirent aux conditions du patronat et reprirent le travail, mais en faisant sortir les scabs des manufactures et en les faisant congédier.

Les conséquences de cette grève de 1926 furent désastreuses pour toute la profession, tant pour les ouvriers que pour les patrons. Pendant de longs mois, des familles ouvrières vécurent dans la gêne et les privations. Plusieurs ouvriers émigrèrent. De leur côté, les patrons souffrirent de la perte de nombreux contrats et plusieurs durent fermer leurs manufactures définitivement pour aller s’installer ailleurs, soit dans les districts ruraux, soit même en Ontario.

Sur les 42 manufactures qui existaient avant la grève, il n’en subsistait que 27 vers la fin de 1926. Ce fut donc un grand malheur pour la ville de Québec.

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